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par Mousty, comme le supposait le hussard, et amenait au gros de l’armée française un renfort de 34 000 baïonnettes. L’Empereur, qui se faisait facilement des illusions, et qui voulait surtout en donner aux autres, dit à Soult : « — Nous avions ce matin quatre-vingt-dix chances pour nous. Nous en avons encore soixante contre quarante. Et si Grouchy répare l’horrible faute qu’il a commise en s’amusant à Gembloux et marche avec rapidité, la victoire en sera plus décisive, car le corps de Bülow sera entièrement détruit. »

Toutefois, comme Grouchy pouvait tarder et que l’avant-garde de Bülow était en vue, l’Empereur prit incontinent des mesures pour protéger le flanc de l’armée. Les divisions de cavalerie légère Domon et Subervie furent détachées sur la droite afin d’observer l’ennemi, d’occuper tous les débouchés et de se lier avec les têtes de colonnes du maréchal Grouchy dès qu’elles apparaîtraient. Le comte de Lobau reçut l’ordre de porter le 6e corps derrière cette cavalerie, dans une bonne position où il pût contenir les Prussiens. Il alla aussitôt reconnaître son champ de bataille.


VII

II était environ une heure et demie. L’Empereur envoya à Ney l’ordre d’attaquer. La batterie de 80 pièces commença avec le fracas du tonnerre un feu précipité auquel répondit l’artillerie anglaise. Après une demi-heure de cette canonnade furieuse, la grande batterie suspendit un instant son tir pour laisser passer l’infanterie de d’Erlon. Les quatre divisions marchaient en échelons par la gauche, à 400 mètres d’intervalle entre chaque échelon. La division Allix formait le premier échelon, la division Donzelot le deuxième, la division Marcognet le troisième, la division Durutte le quatrième. Ney conduisait l’échelon de tête, et d’Erlon le troisième.

Au lieu de disposer ces troupes en colonnes d’al laque, c’est-à-dire en colonnes de bataillons par division à demi-distance, ordre tactique favorable aux déploiemens rapides comme aux formations en carrés, on avait rangé chaque échelon par bataillons déployés et serrés en masse. Les quatre divisions présentaient ainsi autant de phalanges compactes d’un front de 160 à 200 files sur une profondeur de 24 hommes. Qui avait prescrit une telle