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d’un de nos agens consulaires. Pendant trois mois, les chrétiens, les Arméniens surtout, furent pourchassés, pillés, incendiés par des bandes furieuses. Les villes d’Erzeroum, de Diarbekir, de Sivas, de Malatia, d’Orfa, de Césarée, d’Angora, devinrent le théâtre de carnages indescriptibles ; dans les campagnes environnantes, les villages furent livrés aux flammes et les habitans mis impitoyablement à mort.

Disons, sans plus tarder, que dans toutes ces localités nos consuls déployèrent un courage et un dévouement qui contrastaient étrangement avec la conduite des agens du gouvernement ottoman. Sans craindre aucun péril, défendant, parfois, leurs propres résidences les armes à la main, ils se portaient partout où leur présence pouvait refréner la fureur des assaillans ; leur concours vigilant mit à l’abri de tout dommage les établissemens de tout genre, écoles, dispensaires, couvens, placés officiellement sous leur protection ; les portes en restaient ouvertes, comme celles des consulats, et des milliers de malheureux, fuyant leurs demeures incendiées quand ils n’y étaient pas égorgés, y ont trouvé un refuge assuré. Jamais cet instinct généreux pour les faibles et les malheureux, qui est la marque de notre race, n’a mieux inspiré des cœurs français ; jamais la charité chrétienne n’a mieux accompli son apostolat évangélique. C’est un hommage qui est dû et qu’il nous plaît de rendre à ces vaillans qui ont rempli leur devoir et qui se nomment, — nous devons à ces modestes fonctionnaires de citer leurs noms, — Gillière, Meyrier, Barthélémy, Summaripa, Carlier, Roqueferrier, Bergeron. Ils étaient, à la vérité, fermement soutenus à Constantinople par un ambassadeur dont la vigilance et l’énergie ne se sont pas démenties un seul instant. Des Pères latins ayant dû se réfugier à Zeïtoun, « ces religieux, — se hâtait de télégraphier M. Cambon à M. Barthélémy auquel il avait donné l’ordre de se rendre dans cette localité, — ont des motifs de défiance à l’égard des troupes et des autorités ottomanes qui ne les ont pas protégés. Nous avons, vis-à-vis d’eux, un droit de protection à exercer. Ne vous laissez devancer ni remplacer par personne dans le soin de leur rendre la confiance et la liberté[1]. » Belles paroles bien conçues pour soutenir la vaillance d’agens exerçant leurs fonctions dans des régions lointaines, au milieu de populations aveuglées par le

  1. Livre Jaune, Supplément p. 67.