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par Paris ou Londres, accidentellement par Vienne, jamais par Berlin, qui entretenait à Constantinople une représentation effacée, si bien que M, de Bismarck a pu dire, quand déjà il était tout-puissant, qu’il ne se donnait jamais la peine d’ouvrir son courrier d’Orient. Les victoires remportées par les armées allemandes, en déplaçant la prépondérance en Europe, déplacèrent les amitiés de la Porte, et c’est vers ce soleil levant qu’elle tourna des regards anxieux, sollicitant un appui que le sultan Abd-ul-Hamid se montrait disposé à payer d’une condescendance sans limites. Son empire, cependant, avait été mutilé, au congrès de Berlin, par l’initiative du grand chancelier ; ce mécompte ne le découragea pas ; la force était là dans tout son éclat, et c’est sur la force qu’il était bien résolu à s’appuyer. Outre la coopération de fonctionnaires de l’ordre administratif qu’il s’engagea à rétribuer richement, il obtint l’envoi d’une mission militaire à laquelle il confia l’organisation de son armée ; il demanda exclusivement, à l’industrie allemande, les fournitures nécessaires à son armement, obéissant, de tout point, aux suggestions de l’ambassade germanique. La place était, en quelque sorte, déjà conquise, quand l’empereur Guillaume fit, en 1889, son apparition à Constantinople ; il y fut accueilli avec tous les signes d’une cordiale soumission ; il y arrivait comme le protecteur désiré et attendu ; il fut comme ébloui de l’accueil qui lui fut fait ; après avoir télégraphié, à M. de Bismarck, les manifestations dont il était l’objet et constaté que la proie méritait d’être saisie, il lui mandait encore en partant : « Après un séjour semblable à un rêve, rendu paradisiaque par l’hospitalité la plus généreuse du sultan, je vais passer les Dardanelles par un beau temps. » Ce qu’il a dû lui apprendre également, c’est qu’il laissait le sultan dans des dispositions qui ouvriraient au commerce et à l’industrie allemande un vaste champ d’exploitations fructueuses. Il est arrivé, en effet, qu’Abd-ul-Hamid a comblé de ses faveurs les Allemands accourus en foule à Constantinople et les a secondés, de son autorité personnelle, dans leurs entreprises ; il a fait mieux, il a prononcé, en leur faveur, sous des prétextes futiles et par un acte arbitraire, la déchéance de compagnies étrangères, concessionnaires de chemins de fer.

En dépit de droits acquis, d’offres avantageuses faites par d’autres capitalistes, les lignes d’Anatolie, celles d’Europe connues sous le nom de Chemins orientaux, la ligne de Salonique à