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résolution de fortifier l’harmonie entre les puissances ; venant de l’allié de l’Autriche et de l’Italie, du maître tout-puissant de l’Allemagne, de semblables affirmations, formulées en ces termes, étaient bien propres, on ne saurait en disconvenir, à satisfaire les amis de la paix.

Peu de jours après, le Président de la République française, revenant précisément de Saint-Pétersbourg où avait retenti la parole de l’empereur Guillaume, était accueilli et fêté à Paris par les notabilités de l’industrie ou du commerce français, et il manifestait à son tour une entière confiance dans la sécurité des relations internationales ; il conviait son auditoire à étendre au loin, en toute sécurité, le réseau de ses entreprises. « Notre démocratie, disait-il notamment, a su établir que nos institutions républicaines... garantissent la paix à l’intérieur et assurent au dehors la continuité des vues et des desseins sans laquelle rien ne se fonde de solide et de durable... Sans perdre un instant, ajoutait-il, élancez-vous donc à la conquête de marchés nouveaux. Fondez à l’étranger de nombreux comptoirs et favorisez l’émigration des capitaux. Hâtez-vous enfin de diriger, vers des régions à peine connues, encore inexplorées, les efforts individuels et les initiatives privées. C’est bien servir la patrie que de faire connaître, aux peuples qui s’éveillent à la civilisation, le génie si fécond de notre race laborieuse... » C’était dire aux représentans du travail, aux organes de l’ordre économique : consacrez tous vos soins à des entreprises lointaines, engagez-y votre fortune, et soyez sans crainte, rien ne surviendra qui puisse vous alarmer et mettre vos intérêts en un grave péril ; la sécurité nécessaire au succès de vos tentatives vous est garantie ; c’était, en somme, exprimer hautement et sans réserve la conviction que la stabilité de l’ordre en Europe ne courait aucun risque sérieux.

Jusqu’à ce moment, rien n’autorise à penser que ce langage puisse être considéré comme prématuré ou téméraire, si troublé que soit l’horizon politique par des compétitions qui peuvent devenir redoutables. Au contraire, partout où d’autres princes, d’autres chefs d’État ont adressé la parole aux peuples dont ils dirigent les destinées, on a recueilli l’expression nette et ferme de la même confiance, des mêmes assurances, et quiconque n’envisage les choses qu’en tenant compte des déclarations officielles doit se persuader que l’avenir se présente sous les couleurs et dans des conditions satisfaisantes. Dans cette conviction les grands