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ou congres ou cabillauds, dont le kilo varie de 30 à 75 centimes aujourd’hui, on constate que ces chiffres étaient, à peu de chose près, les mêmes sous Louis XV, quoique la consommation ait prodigieusement augmenté ; à Paris, depuis cent ans, elle a décuplé. L’alimentation a, par suite, changé de nature ; la consommation du hareng et de la morue, seuls poissons que mangeât le peuple de Paris au XVIIe siècle, n’a cessé de décroître dans la capitale : de 4 millions de kilos qu’elle atteignait sous Louis XV, elle est tombée à moins de 900 000, malgré l’accroissement de la population.

Le poisson frais, offert dans les villes, a relégué les « salines » dans la chaumière du paysan, qui naguère osait rarement y prétendre ; ainsi le progrès a beaucoup allongé la liste des comestibles, comme celle des matières servant à l’éclairage ou au vêtement. Ici, le prix des denrées anciennes, soit parce qu’elles n’ont plus qu’un rôle accessoire, soit parce qu’elles sont elles-mêmes plus abondantes, n’a pas augmenté dans la mesure moyenne du coût de la vie. La morue, vendue de nos jours 1 franc ou 1 fr. 20 le kilo, valait aux deux derniers siècles de 0 fr. 60 à 1 fr. 25, en général 0 fr. 80. La hausse est de 50 pour 100 à peine. Le hareng était moins cher au XVIIIe siècle : 6 à 8 francs le cent dans les villes du centre, 3 à 5 francs dans les ports de pêche ; mais, sous Louis XIV, il se vendait à un taux peu inférieur aux 11 francs qu’il coûte maintenant chez les marchands de détail.

C’avait été un luxe, en certaines périodes du moyen âge, quand on avait deux œufs pour 0 fr. 02, de manger un hareng de 0 fr. 06 ou 0 fr. 07. A la fin de l’ancien régime, la dépense semblait identique, le hareng ayant diminué, tandis que la douzaine d’œufs augmentait. Hausse très relative du reste, puisque la moyenne s’établit à 0 fr. 38, de 1601 à 1700, et à 0 fr. 30 seulement, de 1701 à 1790. La hausse des œufs est liée sans doute au développement de l’agriculture, à la diminution des jachères, où les poules vagabondes ne coûtaient rien à entretenir. Les œufs descendaient, il y a 200 ans, jusqu’à 0 fr. 18 la douzaine, au printemps, dans la campagne et montaient en hiver, s’ils étaient frais, à 0 fr. 75 au moment de la cherté annuelle. Des écarts analogues existent à nos halles contemporaines, suivant la saison et la grosseur. Au prix moyen de 1 franc la douzaine, la journée actuelle du manœuvre équivaut à 30 œufs ; elle en représenta d’ordinaire 25 au XVIIe siècle et 29 au XVIIIe. Sur ce chapitre, où la hausse