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PAYSANS ET OUVRIERS
DEPUIS SEPT SIÈCLES

IV.[1]
LES FRAIS DE NOURRITURE AUX TEMPS MODERNES


I

« Vers l’an 1750, dit Voltaire, la nation rassasiée de vers, de tragédies, de comédies, d’opéras, de romans, d’histoires romanesques, de réflexions morales plus romanesques encore et de disputes théologiques sur la grâce et sur les convulsions, se mit enfin à raisonner sur les blés. » Elle avait là belle matière à raisonnemens. Et d’abord, se demandait-on, la France produit-elle assez de blé ? — Elle en produit trop, répondaient les agriculteurs, tous libre-échangistes en ce temps-là. La preuve c’est qu’elle n’arrive pas à le vendre ; heureusement elle en exporte une bonne partie à l’étranger ; néanmoins les céréales restent à vil prix. — Au contraire, répliquaient les consommateurs, le pays est bien loin de, récolter sa suffisance. La preuve, c’est que, malgré la défense légale de laisser sortir les blés du royaume, on y mange fort peu de froment et que, même en faisant du pain avec des grains de toute espèce, souvent on en manque. Et, de fait, la question du pain fut, durant les deux derniers siècles, l’un des soucis constans du gouvernement. La correspondance administrative est pleine de

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 octobre 1896 et 15 juin 1898.