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Compagnies, en les aidant fréquemment par de puissans concours financiers, et en les patronnant énergiquement auprès de tous les gouvernemens étrangers.

Dans une très intéressante conférence qu’il a faite à l’Union coloniale française, M. J. Depelley, dont la compétence en matière d’exploitation de télégraphie sous-marine est hors de pair, a démontré jusqu’à quel point le concours de l’Amirauté anglaise est assuré à ces entreprises. La plupart des tracés de câbles sont étudiés à l’avance par la marine de guerre. Si l’on se reporte aux cartes marines anglaises, on retrouve facilement dans l’Atlantique les lignes de sondages relevées d’avance autour des Açores et des Bermudes, et indiquant la route que suivront les nouveaux câbles destinés à faire de ces points des centres d’informations maritimes.

Les Compagnies télégraphiques anglaises, qui ont aujourd’hui, comme on l’a vu, un capital de plus de 800 000 millions de francs, réalisent une recette annuelle supérieure à 110 millions de francs, recette qui est une sorte d’impôt prélevé annuellement sur tous les pays qui font usage du télégraphe.

On voit donc que le Gouvernement anglais et les Compagnies de télégraphes ont montré, dans l’établissement de leurs réseaux sous-marins, un sens pratique, une prévoyance et un esprit politique qu’il faut avoir le courage d’admirer ; mais on ne doit pas oublier que leur initiative place les autres puissances coloniales et, en particulier la France, dans une situation déjà grave en temps de paix et qui pourrait être fatale pour notre marine si les circonstances provoquaient une guerre entre les deux pays.

Si improbable, — si peu désirable surtout, quoi qu’en pense M. Chamberlain, — que puisse être un pareil événement, on peut envisager les conséquences qu’aurait, pour un adversaire de la Grande-Bretagne, l’empire qu’elle a conquis sur les mers. Cette prépondérance s’exerce non seulement par l’occupation des points stratégiques comme Gibraltar, Malte, l’Egypte, Aden, Singapore, mais aussi et surtout par la possibilité qu’aurait l’Angleterre de couper instantanément les communications de l’Europe avec toutes les parties du monde, en conservant les siennes. Toutes les nations de l’Europe sont ses tributaires et sont obligées, sauf de rares exceptions, de lui confier la transmission de leurs télégrammes. Dans une circonstance critique, il ne faudrait guère compter sur l’éclectisme qui lui a été reproché lorsque, dans des