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travaillaient à renverser. Il lui avait envoyé le comte Jules de Polignac pour le supplier de s’éloigner volontairement.

« Je répondis au comte Jules, raconte Decazes, que, si Monsieur lui avait réellement confié son entretien avec Sa Majesté, il devait savoir que la difficulté ne résultait que du refus du duc de Richelieu. J’ajoutai que ce refus avait pour cause la défiance du Duc en ce qui concernait la sincérité du parti ultra et de Monsieur lui-même.

« — Que Monsieur le voie, dis-je, qu’il le rassure, et la difficulté sera dénouée. »

Le Comte d’Artois s’était alors décidé à se rendre chez le duc de Richelieu. On sait par quels formels engagemens, par quelles promesses d’un concours sincère et durable, destinées à être si vite oubliées, il parvint à ébranler une résistance qui, jusqu’à ce jour, n’avait pas faibli.

« — Votre politique sera la mienne, déclarait-il ; je serai votre premier soldat. »

Et Richelieu, sur cette assurance chevaleresque, donnée d’une voix vibrante, ainsi qu’un serment solennel, consentait à écouter les propositions du Roi. Ce n’était pas encore un consentement définitif. Les perplexités de Louis XVIII ne cessaient pas, bien que l’objet en fût changé. Maintenant, il souhaitait avec ardeur ce consentement, s’étant enfin convaincu que Decazes ne pouvait plus être sauvé. « Espérons, mon cher fils, que le Duc cédera. Actuellement, je puis lui parler et je le ferai demain. Sans lui, la nécessité nous jetterait dans ce Talleyrand. » Le dimanche 20 février, à quatre heures, le Roi écrit de nouveau : « Ma lettre pour le duc de Richelieu ne fait que de partir. J’en avais écrit les premiers mots avant la messe ; depuis mon retour, je n’ai pas eu un instant de libre. Mais j’ai fait voir ce commencement à Pasquier, qui allait chez le Duc, afin qu’il fût (le Duc) certain de la démarche que j’allais faire. Un de mes mangeurs de temps a été La Tour-Maubourg, qui avait un très long travail à me présenter. Mais je lui en ai pardonné la longueur, parce que, lui ayant dit à la fin ce que j’allais faire vis-à-vis du Duc, il s’est mis sur cela à me parler de toi, sans chaleur, parce que tel est son caractère et qu’il n’est pas ton ami intime, mais parfaitement. J’ai senti que les larmes me gagnaient, et je l’ai congédié. Après son départ, j’ai pleuré, et cela m’a un peu soulagé, à peu près comme la ponction soulage un hydropique… Je suis bien, mais mon cœur est brisé… Je