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religieuse. J’en fis la réflexion : — Cela s’évapore souvent en paroles, me dirent les Sœurs. — Mais elles convinrent que souvent aussi cet idéal se réalisait. Je n’en fus pas surprise. Vocation à part, ces enfans, très patriotes, sont averties des besoins de leur pays ; elles voient le bien qui se fait autour d’elles, la beauté de la vie de leurs maîtresses, le respect dont elles sont l’objet ; elles sentent, pour peu qu’elles aient le goût de la pédagogie, qu’il n’y a pas d’autre voie à suivre. La carrière des institutrices laïques, si misérablement payées, confondues dans l’opinion publique, eussent-elles des diplômes, avec les médiocrités non brevetées, ne peut être comparée sous aucun rapport à la haute mission des religieuses enseignantes. Celles-ci sont seules à jouir d’une liberté réelle, celle que vous assure l’absence des soucis infimes de chaque jour. Toute jeune fille possédant un grain d’enthousiasme doit être tentée par leur exemple et, comme les parens ne font, règle générale, aucune opposition, tout au contraire ! il y a beaucoup de prises de voile, ce qui n’empêche pas le nombre imposant des mariages ; les plantureuses familles canadiennes peuvent suffire à tout.

Mais tant de paroisses surgissent et se disséminent sur ces immenses territoires à mesure que les chemins nouvellement ouverts permettent de pousser toujours plus loin, tant d’instituteurs et d’institutrices sont demandés, que les écoles normales ont aussi leur utilité très grande. Il n’y en a que deux pour les filles dans toute la province de Québec, qui comprend 1 488 535 habitans : une à Montréal, pour les élèves protestantes ; une à Québec, pour les élèves catholiques. J’ai visité en détail l’Ecole normale Laval, après mètre, grâce à la courtoisie du surintendant de l’Instruction publique, M. Boucher de la Bruère, mise au courant de la loi scolaire de la province et avoir pris connaissance des rapports annuels. Il faudrait, pour traiter ce sujet, une étude à part, qui sera faite, j’espère, par des juges plus compétens que moi.

Quoi qu’il puisse manquer encore à l’organisation des écoles, organisation qui ne date que de 1849 et qui lutte contre des difficultés dont l’ancien monde ne peut soupçonner l’étendue, les statistiques indiquent un progrès constant de l’instruction, le nombre des municipalités scolaires augmentant graduellement avec la colonisation des terres. En moyenne, 71 enfans sur 100 vont à l’école primaire. Le nombre des instituteurs et des institutrices non brevetés diminue à mesure. En 1893-94 il était de