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crurent à tort que leur importance allait décroître. Mais le gouvernement britannique les entoura de respect ; quelques Anglaises entrèrent bientôt dans l’ordre et, pour répondre aux besoins nouveaux de la société canadienne, les Ursulines placèrent sur le même pied l’enseignement des deux langues. Depuis lors (1836), on afflue de tous côtés dans ce vieux couvent, l’institution scolaire la plus ancienne du continent américain.

Planté dans une partie très élevée de la ville il se recommande par ses conditions de salubrité. Douze corps de logis entourent l’église conventuelle : les uns sont attribués à la communauté, au noviciat, au grand et petit pensionnat, à l’externat, à l’école normale des jeunes filles ; les autres renferment l’infirmerie, les parloirs, les salles de musique. J’ai le sentiment d’aborder une institution puissante, presque royale, lorsque, pénétrant dans le parloir des religieuses, je vois derrière la grille, un groupe officiel composé de la supérieure et de plusieurs mères. Au milieu de ces Françaises, je reconnais, à la différence du type, une figure de Boston, celle de la Mère Holmes, sœur du vénérable abbé Holmes qui, par son savoir et ses dons généreux, rendit tant de services au séminaire. C’est avec elle qu’après les premiers complimens j’engage la conversation, lui parlant de son pays dont j’arrive. Je lui demande si elle est parente du célèbre écrivain, le docteur Wendell Holmes, récemment décédé, et que j’ai eu le privilège de connaître. Elle me répond finement : « Pas assez peut-être pour pouvoir m’en vanter », puis elle me parle de lui, de ses ouvrages, de sa correspondance publiée depuis peu, le tout avec une évidente connaissance du monde. La supérieure est moins abordable sur son terrain. Je découvre cependant que les Ursulines occupent une forteresse imprenable : les diplômes sont décernés par le couvent même, sans contrôle d’aucune sorte[1]. Elles donnent à leurs élèves, autant que je puis m’en rendre compte, une instruction qui est l’équivalent de colle qu’on reçoit à Paris, au Sacré-Cœur ou aux Oiseaux. Pour les filles qui ont à gagner leur vie existe l’enseignement de la sténographie, de la clavigraphie, du télégraphe ; mais l’instruction proprement dite est surtout littéraire. Une société, placée sous l’invocation de sainte Ursule, compte vingt académiciennes ; le nombre des agrégées et aspirantes n’est pas limité, et à dates fixes une séance

  1. Il en est ainsi dans tous les couvens et séminaires du Canada.