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et de Montréal héritent de son importance passée. L’un et l’autre ont pour annexe une Université comprenant, outre la faculté de théologie, la faculté de droit, celle de médecine et celle des arts (sciences et lettres réunies). Dans les deux villes cette université porte le même nom, Université Laval, comme s’il n’y avait jamais eu de guerre entre le premier évêque, ami des jésuites, et les sulpiciens représentés par l’abbé de Caylus. Un instant, selon l’expression de Mgr de Laval, on faillit voir se dresser autel contre autel, mais plus de deux siècles ont passé sur la querelle, la réconciliation s’est faite du vivant même des adversaires ; il ne reste des deux côtés que de fervens catholiques, des conservateurs résolus de la langue française dont les efforts réunis tendent à ne pas se laisser distancer par la redoutable rivale anglaise, cette Université Mac Gill de Montréal, si florissante, si richement dotée, si magnifiquement pourvue d’engins scientifiques et de laboratoires, si fermement appuyée sur des professeurs de premier ordre. Son voisinage ne peut être qu’un stimulant précieux comme l’est celui de toutes les institutions britanniques, armées du puissant levier qui manque aux œuvres françaises : l’argent. Mais les sulpiciens sont toujours seigneurs de Montréal derrière les tours et les murailles de leur vénérable séminaire. On sait que la ville naissante, l’île entière[1] leur fut donnée en toute propriété lorsque se retira la compagnie dont Maisonneuve avait été le chef. Ils règnent donc, de par la mémoire des services rendus pendant plus de deux cents ans dans la Nouvelle-France et du dévouement qu’ils montrèrent en particulier aux malheureux Acadiens dont la dispersion forcée reste l’un des événemens les plus pathétiques de notre histoire coloniale. Mais je ne puis guère parler de l’Université Laval de Montréal, que j’ai entrevue un soir seulement, alors que certaine conférence sur Bossuet réunissait une nombreuse et enthousiaste assemblée, si purement, si merveilleusement française, dans la salle la plus belle, la mieux décorée, la plus sonore, la plus vibrante de sympathie où ait jamais triomphé un orateur.

Je connais mieux le séminaire de Québec. Il y a là, au nord de la basilique, dans le majestueux isolement créé par dévastes cours, un groupe considérable de bâtimens précédé de porches et de grilles dont la physionomie est du XVIIe siècle, encore qu’ils aient

  1. Montréal est situé dans une île triangulaire formée par l’Ottawa, qui se divise en deux branches avant de se jeter dans le Saint-Laurent.