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qu’elle ne puisse être résolue, sans que l’Européen ressente jusqu’en ses extrémités la répercussion plus ou moins violente. Cependant, comme, parmi les solutions qui, par hypothèse, se présentent à l’esprit, les unes compromettraient plus que les autres l’équilibre européen et avec lui, de toute nécessité, la paix européenne, ce ne sera pas perdre son temps que de les étudier de très près. Aussi bien n’y a-t-il pas là une belle occasion d’essayer, sur la vie même, d’après le fait vu et saisi, de fixer, dans l’histoire des peuples qui composent la Monarchie austro-hongroise, ce qu’il est certainement permis d’appeler un moment psychologique ?


I

La solution trialiste consisterait à faire entrer la Bohême eu tiers dans la raison sociale : Autriche-Hongrie, qui se changerait en : Autriche-Hongrie-Bohême. Juridiquement et dans les formes, ce changement s’opérerait ainsi : chacun des deux États actuellement associés passerait avec le royaume de Bohême un compromis semblable à celui que l’Autriche et la Hongrie passèrent ensemble, en 1867. Mais on a bien raison de dire passerait ; il faut ne parler ici qu’au conditionnel, et dès le premier mot, les difficultés se découvrent.

Négligeons pour l’instant toutes celles qui s’élèveraient entre l’Autriche et la Bohême, toute la peine qu’éprouverait l’Autriche à consentir à cette diminution d’elle-même, que la rhétorique la plus ingénieuse s’efforcerait en vain de lui cacher sous ses fleurs, et à traiter de pair à égal avec une de ses provinces qui se reconstituerait en État. Mais la Hongrie, partie essentielle au contrat, comment la déciderait-on à traiter avec la Bohême ? Entre la Hongrie et la Bohême, l’antagonisme, pour ne dire rien de plus, est profond, irrémédiable, exaspéré sourdement par l’instinctive défiance et l’inquiétude naturelle que les Tchèques inspirent aux Magyars, comme représentant l’élément le plus considérable du slavisme en Autriche-Hongrie.

Écoutez là-dessus les Hongrois ; — et, afin que ces témoignages pèsent de tout leur poids, je préviens que sous chacune de ces paroles je pourrais mettre des noms qui seraient ceux de personnages politiques de premier plan, connus bien au-delà des frontières de leur pays. — « Il n’y a, déclarent-ils, aucune assimilation