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Je viens, là-dessus, de relire mon article, et je ne puis, en conscience, en retrancher un seul mot. J’écrivais : «… Je veux bien que Frédégonde, chrétienne peu éclairée, ait conçu cette ruse grossière et en ait espéré le succès. Mais que Prétextat se range sans hésiter à cette casuistique de sauvage, nous ne le pourrions admettre que si ce saint évêque nous avait été présenté comme un homme d’une intelligence affaiblie par les années et touché, comme dit l’autre, du vent de l’imbécillité. » Et je crois vraiment l’avoir démontré ; du moins y ai-je apporté tout le soin et tout le sérieux dont je suis capable. Mais vous répondrez de nouveau : « La vérité comme dans la vie ! » Je répliquerai : « Vent de l’imbécillité ! » et ce dialogue pourra durer longtemps. Nous n’avons probablement pas, monsieur, le cerveau fait de même. Nous sommes irréductibles, impénétrables l’un à l’autre, et cela sans doute est fâcheux pour moi : mais qu’y puis-je ?

Voilà donc à quelle constatation chétive et superflue aboutit cette grande affaire. N’est-ce pas pitoyable ?

Ce n’est pas ma faute. Vous m’avez invité à entendre votre pièce en qualité de critique ; par-là (soyons de bonne foi) vous avez sollicité mon jugement sur elle et m’avez signifié implicitement que vous m’autorisiez à le produire, quel qu’il fût, — à la seule condition qu’il ne portât que sur votre ouvrage et qu’il demeurât purement littéraire. Ce pacte tacite, je l’avais strictement observé : mais vous, monsieur, vous l’avez rompu. Il ne vous a pas suffi de contester, comme vous le pouviez, dans quelque journal ou dans quelque brochure, la justesse de mes critiques : vous avez prétendu me confondre dans cette Revue même, et vous avez voulu m’y discréditer par des insinuations désobligeantes sur des faits entièrement étrangers à notre différend : j’entends mes relations personnelles avec la Comédie-Française. Vraiment, cela n’est pas de jeu, quoi qu’il en ait semblé à nos doux juges.

Dans le fond, il y a ceci, qui est bizarre : il vous a été absolument impossible de supporter cette idée qu’il y eût en France, un homme notoirement insensible aux beautés du 4e acte de Frédégonde. Et, pour en pouvoir exprimer votre immense dépit, non seulement par un papier public, — de quoi se fût contenté tout autre que vous, — mais dans des conditions choisies par vous, sous la même couverture où parurent les pages honnêtes qui vous ont fait saigner, et « ù la même place et dans les mêmes caractères typographiques. », vous avez dépensé plus d’obstination et plus d’énergie qu’il n’en faut pour faire son salut. Mais tout cela ne fera pas ni que j’aie outrepassé mon droit de