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Il est inadmissible, en effet, dit-il, que la confession de Frédégonde ait pu jeter Prétextat dans l’état de détresse morale où l’auteur nous le montre. D’abord, parce que le saint évêque devait bien savoir que la confession de Frédégonde n’étant pas faite dans le but d’obtenir l’absolution, elle n’obligeait pas le confesseur au secret. Ensuite, parce que rien ne l’eût empêché, sans nommer Frédégonde, sans compromettre en quoi que ce fût le secret du sacrement, d’imaginer quelque moyen discret d’éloigner Mérovée du lieu où son assassin comptait le rejoindre. Donc, pour ajouter foi à sa douleur, à son désespoir, il faut supposer qu’il ait été touché « du vent de l’imbécillité ».

Il y aurait bien des choses à dire sur la façon dont M. Lemaitre pose la question, notamment que nous sommes au théâtre et non au concile ; qu’il ne s’agit donc pas ici de fixer les principes qui règlent la doctrine de la confession, mais simplement de savoir si la scène qui va se développer entre le confesseur et la pénitente est logiquement contenue dans ses prémisses.

Que dit Frédégonde ? — Je veux bien me confesser, mais à la condition que vous m’assuriez que rien de ce que je vous aurai dit ne sera jamais révélé.

La réponse de Prétextat ? — Quand même il s’agirait du meurtre de mon frère, je ne parlerais pas !

Voilà le point de départ ! Voilà le pacte !

L’engagement est formel : Je ne parlerais pas !

Est-ce donc parce que Prétextat est prêtre qu’il aurait le droit de violer sa parole ?

Mais sans plus insister sur ce point que sur la théorie émise par M. Lemaître, et que je suppose entièrement orthodoxe, je rejoins immédiatement mon éminent contradicteur sur le terrain à côté où m’appellent ses objections. Nous ne pouvons admettre, dit-il en substance, que Prétextat ne saisisse pas que la confession de Frédégonde n’est pas sacramentelle, à moins « qu’il ne soit touché du vent de l’imbécillité ».

Eh bien, voyons cela.

A quel moment, d’abord, Prétextat saisirait-il que la confession de Frédégonde n’est pas sacramentelle ? Est-ce quand elle se présente à lui ? Quand elle commence sa confession ? Non, assurément.

Frédégonde, voilée, tremblante, offre bien toutes les marques du repentir.

—… Je n’ose…, dit-elle ; les remords tiennent ma bouche close !…

Elle changera bientôt de ton, soit ; mais ce ne sera que