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MARYSIENKA ET JEAN SOBIESKI
D’APRÈS UNE PUBLICATION RÉCENTE

Qui était Marysienka ? Nul Polonais ne l’ignore, et peu de Français le savent. Lorsqu’en novembre 1645, Marie de Gonzague, duchesse de Nevers, princesse de Mantoue, mariée la veille au roi Ladislas IV de Pologne, se mit en route pour sa patrie d’adoption, elle emmenait avec elle une petite cour française, tout un essaim de jeunes femmes, dames d’atour, demoiselles d’honneur. Elle tenait de bonne source qu’elle avait intérêt à s’entourer de beaucoup de jolis museaux. « Il s’agissait de faire échec à la cabale autrichienne qui survivait à Varsovie et s’y appuyait principalement sur des influences féminines. Et les berlines remplies de jeunes chairs potelées, de frous-frous soyeux et de gais rires s’allongèrent sur le chemin de la lointaine capitale. La reine eut un peu l’air d’y conduire un pensionnat. »

Parmi ses pensionnaires figurait, à l’étonnement de tout le monde, une enfant de quatre ans à peine. C’était Marysienka, qui de son nom français s’appelait Marie de la Grange d’Arquien. Elle appartenait à une famille de hobereaux nivernais, issue de cet antique château des Bordes, dont l’abbé de Chaulieu dira : « On y mange quatre fois par jour, et il n’y a point de lit que le sommeil n’ait fait de ses propres mains. Que je vous ai souhaitée, madame, pour satisfaire votre rage de chaises percées ! Chaque chambre a la sienne, de velours avec des crépines, un bassin de porcelaine et un guéridon pour lire. Le marquis a fait apporter la sienne auprès de la mienne, et nous passons le jour en ce lieu de délices. » Les parens de Marysienka n’habitaient point ce paradis, que les partages avaient attribué à une branche éloignée de la famille : « Ils végétaient à Paris, fort embarrassés de leurs filles. Le couvent guettait l’aînée. En prenant avec elle la cadette, Marie de Gonzague ne fit sans doute qu’un acte de charité. Elle avait