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racontait qu’il lui arrivait d’entendre quelquefois pendant trente minutes et plus les différentes horloges publiques de son voisinage sonner successivement la même heure.

A partir de cette époque on cessa donc de tracasser tous les jours les pendules, les horloges et les montres ; elles furent mieux construites, elles marchèrent mieux et concordèrent avec une exactitude que, quelques années plus tard, le développement des chemins de fer devait rendre indispensable.


IV. — L’HEURE NATIONALE. — L’UNIFICATION INTERIEURE DE L’HEURE.

Depuis l’année 1816, nous avons été soumis en France au régime du temps moyen, ou plus exactement au régime de l’heure locale, temps moyen. C’est cet état de choses qu’est venue modifier la loi du 15 mars 1891 en instituant l’heure nationale, temps moyen de Paris. Rien n’est plus facile à comprendre.

La substitution du temps moyen au temps vrai avait eu pour effet d’uniformiser la mesure de l’heure en un même lieu. Mais chaque lieu avait son temps moyen, son heure locale, comme il a sa longitude et son méridien particuliers. Le soleil (et ceci s’applique au soleil fictif moyen comme à un astre réel) défile successivement d’Orient en Occident devant les différens méridiens, accomplissant sa révolution de 360° en 24 heures, c’est-à-dire à raison de 15° de longitude par heure, ou de 1° de longitude par 4 minutes de temps. Quand l’astre passe devant le méridien de Paris et qu’il y est midi, il est déjà 1 heure à 15° plus à l’Est puisque le soleil y a passé une heure plus tôt. Il en résulte que le voyageur qui emporte avec lui une montre bien réglée, est en désaccord avec toutes les horloges qu’il rencontre sur sa route. A mesure qu’il marche vers l’Est, elles avancent de plus en plus sur son chronomètre. A Nancy, l’avance est de 15 minutes, à Avricourt de 23. Le contraire se produirait en marchant vers l’Ouest. L’heure de Brest, dont le méridien est à 6°49’49" à l’ouest de Paris, retarde de 27 minutes 19 secondes sur l’heure locale parisienne et au total de 50 sur Avricourt. C’est l’un des plus grands écarts qui puissent se produire dans la France continentale.

Au temps des diligences, ces désaccords n’avaient pas d’inconvénient. Les longs voyages duraient longtemps et ne se faisaient pas d’une traite ; les montres ordinaires avaient le loisir de varier