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chemin de fer Matadi-Stanley-Pool a, en cette circonstance, grandement et habilement fait les choses : elle a invité les Puissances signataires de l’Acte de Berlin à se faire représenter aux fêtes d’inauguration, et elle a affrété pour le transport de ses invités le steamer l’Albertville, qu’elle a fait luxueusement aménager. La somme que le Conseil d’administration a distraite de ses réserves pour cet objet ne sera pas une vaine dépense ; les notabilités de toutes sortes conviées à cette inauguration, ainsi que les nombreux représentants de la presse belge et étrangère feront à la nouvelle ligne la plus utile et la meilleure des réclames. Le 1er juillet, les locomotives pavoisées entreront à Dolo, le port de Léopoldville amenant de Matadi des trains chargés de nombreux visiteurs ; elles seront saluées par les steamers ancrés au Stanley-Pool ; la fête sera originale et brillante ; puis, aussitôt après, commencera l’exploitation intensive de ces régions à peine soupçonnées il y a vingt ans : la révolution économique de l’Afrique centrale sera un fait accompli.

Cette révolution bienfaisante, — est-il besoin de l’ajouter ? — s’accomplira presque exclusivement au profit de la Belgique. En effet l’Etat Indépendant, pour se procurer des ressources, a fait succéder au régime de liberté commerciale institué par l’Acte de Berlin un régime de taxes qui constitue un véritable monopole à son profit ou, ce qui revient au même, au bénéfice des compagnies commerciales qu’il a fondées et qu’il dirige. Les maisons de commerce françaises qui, sur la foi des traités, s’étaient installées dans le domaine de l’Etat Indépendant, atteintes par ces injustes tarifs et par des prohibitions de toute nature, ont disparu, rachetées par des sociétés belges qui ont étendu leurs affaires jusque dans le Congo Français.

Si la plus grande partie du commerce de notre colonie se trouve aujourd’hui entre les mains des Belges, on peut affirmer que tous les transports, commerciaux ou autres, à destination du Congo français se feront exclusivement par la voie ferrée de Matadi à Léopoldville. C’est par elle que devront passer le personnel et le matériel de nos expéditions, nos agens, nos troupes à l’occasion, nos missionnaires, les ravitaillemens de nos postes, etc. Il paraît en effet difficile d’escompter dans un avenir prochain l’ouverture d’une voie ferrée traversant le Congo Français et reliant Loango à Brazzaville par la vallée du Niari-Kouilliou. Une société financière s’était constituée en 1893 pour