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ART. III. — Dès à présent, l’État belge recevra de l’État Indépendant tels renseignemens qu’il jugera désirables sur la situation économique, commerciale et financière de celui-ci… Ces renseignemens ne doivent avoir d’autre but que d’éclairer le gouvernement belge et celui-ci ne s’immiscera en aucune manière dans l’administration de l’État Indépendant qui continuera à n’être rattaché à la Belgique que par l’union personnelle des deux couronnes…

ART. IV. — Si, au terme prédit (en 1900), la Belgique décidait de ne pas accepter l’annexion de l’État du Congo, la somme de 25 millions de francs prêtée, inscrite au grand livre de sa dette, ne deviendrait exigible qu’après un nouveau terme de dix ans pendant lesquels elle serait productive d’un intérêt annuel de 3 1/2 p. 100.


Ce testament d’un roi en parfaite santé léguant à son peuple un des deux États dont il était souverain, ce legs servant de prétexte à une demande de fonds de ce roi à ses sujets est bien la plus étrange idée qui se puisse concevoir. La convention soumise aux Chambres belges, réunies en une session extraordinaire qui a pris le nom de Session congolaise, fut votée à la presque unanimité. C’est dire combien l’opinion publique avait évolué en Belgique et combien le Congo y était devenu populaire : la presse entière, même celle de l’opposition[1], se montra favorable à l’éventualité de l’annexion. Depuis 1890, l’État Indépendant, ou plutôt la Compagnie du chemin de fer, qui lui est inféodée, s’est trouvée de nouveau aux abois et le gouvernement belge a dû intervenir pour aider de ses deniers à l’achèvement de la ligne. En 1895, à propos d’une nouvelle demande de crédits, M. de Mérode, alors ministre des Affaires étrangères, pensa qu’au lieu de renflouer continuellement le navire congolais, il serait peut-être plus sage d’en prendre la direction et il déposa un projet de loi approuvant la reprise immédiate du Congo par la Belgique. Le Roi-Souverain montra, paraît-il, peu d’enthousiasme pour cette solution qu’il avait appelée de tous ses désirs cinq ans auparavant. C’est que le Congo est le pays des mystères et des fictions : cet État Indépendant qui n’est pas belge, bien que la confusion se fasse continuellement à ce sujet, est doublé d’une affaire privée ; à côté du domaine public sur lequel on est déjà fort peu renseigné, il s’est constitué un Domaine Privé sur lequel plane le plus grand mystère, mais qui donne, à n’en pas douter, des revenus importans. L’annexion du Congo par la Belgique sera

  1. La Réforme est le seul journal qui soit encore hostile au mouvement colonial.