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forme impersonnelle et générale qui s’applique, à peu de choses près, à toutes nos colonies. Les initiatives individuelles qui vinrent chercher fortune dans le Congo français, comprimées par une réglementation étroite et inopportune, donnèrent naissance à des conflits administratifs ; ces conflits entraînèrent de volumineuses correspondances vers Paris, d’où doivent venir toutes les solutions et toutes les instructions. Lorsque ces solutions ou ces instructions arrivaient au centre de l’Afrique, les situations s’étaient presque toujours modifiées, d’où échange d’une nouvelle correspondance, et c’est ainsi que les dossiers et les liasses s’entassent dans les cartons du ministère et représentent le seul développement pris par nos colonies. Les échecs de nos entreprises pour la mise en valeur du Congo français ne sont pas plus imputables à Brazza, quoiqu’il ait été démode de les lui attribuer, qu’à nos colons ; notre Administration coloniale doit seule en être rendue responsable. « En raison de ses principes et de son organisation, comme le dit si justement M. Pauliat, elle impose à son personnel aux colonies un rôle, une attitude, et elle les charge d’attributions qui doivent forcément leur aliéner les sympathies et leur valoir l’hostilité des colons qui ont affaire à eux. »


IV

Ce qui assura la réussite des entreprises belges au Congo, ce fut qu’elles échappèrent aux complications des machines gouvernementales trop minutieuses, et aux délibérations des assemblées parlementaires. Elles ne relevèrent pas d’une Administration coloniale, mais furent uniquement dirigées par le roi Léopold, assisté de quelques auxiliaires judicieusement choisis. Ce que le roi des Belges arriva à réaliser si rapidement en Afrique par sa hardiesse de conception, par son initiative, par ses spéculations audacieuses, par sa prévoyance et sa persévérance, il est hors de doute qu’aucun État constitué sur les bases du droit politique moderne n’aurait pu l’obtenir. De 1881 à 1884 les expéditions belges se succédèrent au Congo, les steamers sillonnèrent le réseau fluvial, de nombreuses stations furent fondées. L’Association Internationale du Congo, qui avait remplacé tout à la fois le Comité d’Etudes et l’Association internationale africaine, devenait une véritable Puissance que reconnaissaient successivement, après les États-Unis, tous les gouvernemens européens et qui,