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marche vers le Congo tiennent du prodige et l’impartialité oblige de les confondre tous deux dans un même sentiment d’admiration. Brazza reprit la route du Gabon au mois de décembre 1879 ; il remonta l’Ogooué et atteignit onze mois après son départ le Congo en amont du Pool. J’ai raconté plus haut son émotion lorsqu’il arriva de nuit en vue de l’immense fleuve. A celle que lui inspirait le spectacle de cette nature grandiose et silencieuse, se mêlait celle très légitime du triomphe : il avait devancé Stanley. Brazza prit possession au nom de la France des deux rives du fleuve qu’il redescendit jusqu’au Pool, ce lac d’une importance capitale où toutes les voies commerciales du plateau intérieur viennent converger ; il fonda sur sa rive nord le poste qui devait recevoir son nom : Brazzaville. C’était le 1er octobre 1880. Brazzaville était la première station européenne créée sur le haut fleuve. Brazza, chemin faisant, avait pris sur les populations noires qu’il avait traversées une très grande influence ; il les avait souvent réconciliées entre elles ; grâce à ses qualités de persuasion, il les avait amenées à comprendre le profit qu’elles pourraient retirer de leurs relations avec nous, et s’il est vrai, comme il l’a souvent répété, que ces peuplades primitives aiment d’abord le drapeau pour celui qui le porte, il avait fait aimer le pavillon français sur son passage. Aussi, les traités qu’il passa avec les chefs indigènes furent gardés avec une fidélité rare en Afrique. Ces dispositions favorables des noirs permirent à Brazza de confier au sergent Malamine et à trois laptots la garde du pavillon français planté sur les bords du Pool. Il descendit le fleuve sur sa rive droite, et le 7 novembre 1880, il rencontra Stanley. L’agent du Comité d’études, au milieu d’une armée de Zanzibarites, s’avançait en conquérant ; il ne conçut qu’une médiocre appréhension des entreprises d’un rival qu’il voyait venir à lui en minable équipage. L’avenir devait lui apprendre à compter avec l’œuvre de ce voyageur en haillons : il allait bientôt constater que les droits de la France sur le Congo étaient établis à tout jamais par la fondation de Brazzaville et qu’une partie du bassin du grand fleuve était soustraite à l’ambitieuse avidité du Comité d’études. La rencontre de Brazza avec Stanley avait eu lieu à Ngoma, en pleine région des chutes. Avant de suivre Stanley remontant le Congo, il nous faut revenir un peu en arrière pour dire quelques mots des débuts de son voyage.

Stanley était arrivé à l’embouchure du Congo le 3 septembre