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de revenir aux procédés de M. Crispi. Nous n’avons pas à demander autre chose ; mais pour l’Italie, ce n’est peut-être pas assez. Il est vrai que cela ne regarde qu’elle. En dehors de M. Capelli, le ministère ne contient guère que deux hommes nouveaux qui soient connus en Europe. L’un est l’amiral Canevaro, qui n’a pas dû être fâché de quitter la Crète : on n’a pas oublié qu’il y commandait les forces italiennes, et que sa qualité de doyen des amiraux lui a fait décerner, à plusieurs reprises, le commandement supérieur. Il s’est constamment acquitté de sa tâche avec une grande distinction, et, dans des circonstances délicates, il s’est concilié les sympathies de tous ses collègues. Toutefois, il n’a pas dû hésiter beaucoup à accepter un portefeuille qui devait lui permettre d’abandonner la Canée et de revenir à Rome. L’autre ministre auquel nous faisons allusion est M. Cremona, qui a été chargé de l’Instruction publique. M. Cremona est un savant de très grand mérite, et plus connu comme tel que comme homme politique, bien qu’il soit sénateur. Ces choix, nous l’avons dit, sont parfaitement recommandables, mais ils ne font pas compensation au départ de MM. Visconti-Venosta et Zanardelli. M. di Rudini s’en rend assurément compte, et sans doute il n’a pas pu faire autrement qu’il n’a fait. A mesure que les circonstances deviennent plus graves, son ministère devient plus faible, comme s’il comptait sur une force qu’il trouverait éventuellement en dehors de lui. Tout ce qu’on peut lui souhaiter, c’est que les mauvais jours soient passés, et qu’après les émotions de ces dernières semaines, l’Italie rentre enfin dans une période de calme intérieur et de tranquillité.


Si on pouvait faire partout des élections comme à Belgrade, la vie parlementaire serait simplifiée. Cependant l’exemple du roi Milan n’est à conseiller à personne : il faut avoir des grâces d’État toutes particulières pour le suivre avec succès. Nous parlons du roi Milan et non pas du roi Alexandre, parce qu’il n’est plus question de ce dernier depuis que son père a remis les pieds en Serbie. Milan a repris tout le pouvoir et l’exerce avec une maestria encore supérieure à celle qu’il avait montrée jusqu’ici. Quels sont ses projets, et en a-t-il de bien arrêtés ? On l’ignore ; mais il est difficile d’oublier qu’il revenait de Vienne lorsqu’il est rentré dans ses anciens États, et difficile aussi de croire qu’il agit comme il le fait sans un consentement au moins tacite et une tolérance de l’Autriche. On assure pourtant que le gouvernement austro-hongrois se déclare innocent de ce qui se passe en Serbie et paraît même le regretter : seulement, il ne va pas