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recommandant d’un comité de direction politique à la tête duquel se trouvaient trois députés », et l’on donnait les noms de ces députés ; « ce journal, ajoutait-on, s’assurera dans notre département, par le nombre et l’autorité des noms qui le patronnent et par les soins apportés à sa rédaction, l’influence la plus large et l’action la plus étendue » ; on demandait aux maîtres d’école, non seulement de s’y abonner, mais d’y collaborer en transmettant à la rédaction tous les faits intéressant leurs communes, et on les invitait à faire savoir, dans un proche délai, si leur concours était assuré. Des trois députés qui inspiraient cet appel, deux ont disparu ; le troisième est aujourd’hui sénateur ; la feuille qu’il fondait il y a seize ans a passé au radicalisme, et la brigade de « reporters » et d’agens électoraux qu’il avait jadis réussi à recruter parmi les instituteurs a, cette année même, manœuvré presque unanimement contre lui et contre la candidature gouvernementale qu’il patronnait. M. le pasteur de Pressensé parlait véritablement en prophète, lorsqu’il disait au Sénat, le 16 février 1886 : « Si vous allez jusqu’à demander l’adhésion formelle et le dévouement actif de tous les fonctionnaires pour des opinions particulières, pour des opinions de parti, alors vous dépassez le but. La servilité n’est point une garantie de fidélité. Quand les échines sont devenues souples, elles plient devant tous les soleils levans ; or, vous le savez, à l’horizon politique, le soleil se couche souvent, et celui du lendemain n’est pas celui de la veille. Prenez garde, au contraire, en créant une administration servile, de forger l’arme qui peut bientôt se retourner contre vous ! »

L’arme fut forgée, et elle vient de se retourner. Par une coïncidence peut-être heureuse, un certain nombre de publicistes, de professeurs et d’hommes politiques, qui s’intéressent aux destinées de notre enseignement primaire, se sont dernièrement groupés, sous le beau nom d’ « Amis de l’Ecole », et ont commencé une campagne auprès des pouvoirs publics pour rendre aux autorités universitaires la nomination des instituteurs. Parmi les signataires du manifeste, il en est qui, de tout temps, ont réclamé le vote immédiat d’une telle réforme : on n’est point surpris de les voir revenir à la charge. Mais il serait désastreux que le mouvement fût dévié et que la noblesse de leurs intentions fût comme souillée par l’adhésion tout à fait imprévue de certains hommes de parti, qui, craignant que les préfets formellement dévoués à la politique modérée n’aillent se multipliant,