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mais il demeure, à ce taux, bien plus cher que de nos jours, puisque, suivant la valeur relative de l’argent, ces 14 francs en représentent 60 de notre monnaie. Sous cette moyenne apparaissent, d’une année à l’autre pour le même cru et, quand on parcourt plusieurs régions, dans la même année, de profondes inégalités : en 1434, par exemple, nous voyons le vin osciller de 1 fr. 20 l’hectolitre à Montélimar et 6 francs près d’Auxonne (Franche-Comté) jusqu’à 29 francs à Paris et 32 francs à Troyes. Son prix ne cessa de diminuer de 1451 à 1525 ; il descendit de 14 francs à 10 sous Louis XI, à 9 sous Charles VIII, à 7 au commencement du règne de François 1er. Ces chiffres équivalent, en monnaie actuelle, à 60, 54 et 35 francs ; ils étaient donc plus élevés que les nôtres.

Les diverses provinces conservaient, à peu de chose près, quoique les plantations de vignes eussent été considérables par toute la France, leur place respective dans l’échelle des prix. Il en fut de même durant les cinquante années suivantes (1526-1575), où le vin remonte à 17 francs, et de 1576 à 1600, où il s’élève en moyenne à 19 francs. Il est d’ailleurs curieux d’observer que le vin n’avait pas augmenté depuis le XVe siècle plus que l’ensemble des denrées, et qu’au regard du XIVe siècle, il avait diminué : l’hectolitre à 19 francs, sous Henri III, ne correspondait pas à plus de 47 francs d’aujourd’hui ; tandis que l’hectolitre à 20 francs, sous Philippe de Valois, avait représenté 64 francs de 1898.

Au contraire du blé et du coût de la vie en général, le vin a donc baissé depuis le moyen âge jusqu’à la fin du XVIe siècle[1], indice d’un progrès agricole d’autant plus sensible que, de 1350 à 1600, le vin fut successivement chargé des impôts les plus nombreux et les plus lourds. Il est, avec le sel, le point de mire favori du fisc. Ces deux denrées de première nécessité sont les colonnes de nos anciennes contributions indirectes ; on les taxe en gros et en détail, qu’elles circulent par terre ou par eau, et les droits sur la contenance ou sur la vente s’appellent, se complètent, se greffent les uns sur les autres. Cependant la cherté relative du vin, au moyen âge, ne peut être attribuée à l’impôt comme

  1. Cette constatation confirme celle que j’ai déjà faite sur la baisse de prix de l’hectare de vigne et de la culture des vignes à façon, de la première époque à la seconde. Voyez la Revue du 15 octobre 1896 et la Fortune privée à travers sept siècles, p. 309.