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l’agriculture. Quoique le kilo de vache vaille aujourd’hui sept fois plus que sous Louis XII, le lait de cette vache et ses dérivés ne valent, eux, que trois fois et demi plus cher, et la même proportion se retrouve à toutes les époques. C’est une distinction qui a son importance.

Les œufs, au contraire, dont on peut évaluer la douzaine au prix moyen de 1 franc en 1897, sont une des denrées qui ont le plus augmenté. Aux environs de Paris, elle oscillait, dans la seconde moitié du XVe siècle, de 7 à 19 centimes, et coûtait en moyenne douze fois moins qu’à présent ; durant les soixante-quinze années précédentes (1376-1450), bien que d’un prix plus élevé, elle s’était vendue six et huit fois meilleur marché qu’aujourd’hui ; au XVIe siècle et même au XIVe, elle était aussi demeurée inférieure au coût général de la vie. Les œufs sont donc, avec la viande, l’aliment qui s’est le plus dérobé à la consommation, si l’on suppose, comme il est vraisemblable, que, du bon marché — indice d’abondance — résulte un usage universel. Le même fait persista de 1501 à 1575, avec les prix de 13, 15 et 26 centimes, pour la douzaine d’œufs, dans ces trois quarts de siècle, où le cours de toutes choses était seulement cinq, quatre et trois fois plus bas d’ordinaire que de nos jours.


V

Le vin a été la boisson usuelle des Français du moyen âge. La vigne était cultivée sur la totalité de notre territoire, dans les départemens même où l’on boit aujourd’hui de la bière et du cidre. Toutefois, comme la température n’a pas varié depuis deux mille ans en Europe, il est facile d’augurer que les raisins de Normandie, Picardie ou Ile-de-France, d’une maturité le plus souvent imparfaite, ne donnaient qu’un liquide peu alcoolique, sujet à aigrir et incapable de se conserver. C’est pour ce motif qu’au rebours de ce que nous voyons maintenant, le vin nouveau était toujours plus haut prisé que le vin vieux ; on l’absorbait « tout chaud », suivant l’expression villageoise, avant que l’acide acétique n’y eût fait des ravages, et souvent on l’additionnait de miel.

Cette incapacité à produire de bons vins ne s’appliquait pas aux districts du Midi ayant pour eux le soleil ; cependant, tous les crus aujourd’hui renommés sont modernes, et presque tous les crus renommés jadis sont complètement oubliés. Est-ce le goût