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situation se prolongea jusqu’aux temps modernes. Dans le marché passé sous Louis XIV pour la fourniture de la cour (1659), il est porté que les veaux pèseront au minimum 15 à 20 kilos. La distance est moins grande, par conséquent, entre le prix ancien du kilo de viande et son prix actuel, qu’elle n’est, entre les prix des deux époques, pour le bétail sur pied. Aux XIVe et XVe siècles, par exemple, lorsque le bœuf et le mouton valent jusqu’à vingt fois moins que de nos jours, la viande ne descend pas, en général, au-dessous du dixième de sa valeur présente.

Bien que réduite à des proportions moindres qu’on ne l’imaginerait tout d’abord, d’après le prix infime du bétail, la différence entre la valeur de la viande de boucherie, du XIIIe au XVe siècle, et celle de 1897, n’en est pas moins très importante. Par son bon marché, la viande était un aliment de consommation journalière, « de première nécessité », croyait-on, et l’on ne supposait pas qu’on dût être forcé de la regarder plus tard comme un luxe. De 1301 à 1450, alors que le blé vaut la moitié ou le tiers de ce qu’il coûte aujourd’hui, le kilo de bœuf ne participe pas à cette hausse et se paie le sixième de son prix actuel. A partir de 1450 jusqu’en 1525, tandis que la rémunération du travail correspond au quart de ce qu’elle est à la fin du XIXe siècle, le kilo de bœuf s’achète onze fois, dix fois, sept fois moins cher ; le kilo de porc, sept et cinq fois meilleur marché. Quant au veau et au mouton, quoiqu’ils aient joui naguère, comme de nos jours, d’une légère prime, le kilogramme de l’un et de l’autre, qui se vendent maintenant 1 fr. 80, oscillent en moyenne entre 17 et 26 centimes, de 1450 à 1525.

Ce sont là soixante-quinze années de bombance, où le populaire peut manger à sa faim ; il va pâtir ensuite durant trois siècles. Sous Louis XI, en Normandie, les ouvriers mangent de la viande trois fois par semaine ; dans l’Est, ils en mangent tous les jours. La ration quotidienne de ceux qui sont nourris par leurs patrons dépasse souvent 600 grammes. Le manœuvre d’aujourd’hui, avec ses 2 fr. 50 de salaire, gagne environ 1 600 grammes ; au XIIIe siècle, le produit de sa journée équivaut à 1 900 grammes, et à 2 500 grammes, au XIVe siècle. Dans la seconde moitié du XVe siècle, elle atteignit 3 700 grammes de bœuf et 2600 grammes de porc. La viande était donc, par rapport aux salaires les plus médiocres, à moitié prix de ce qu’elle est en 1898.

Avec le XVIe siècle, la situation va se modifier profondément. Dès l’avènement de François Ier, le journalier ne gagne plus que