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— car souvent on s’abstient de traire les vaches durant six mois, — que 6 à 700 grammes de beurre par semaine.

Aussi, quoique le prix des bestiaux soit minime, le beurre, le fromage, le lait surtout, sont relativement coûteux. Du 1er novembre au 1er mai, le litre de lait se vendait trois fois plus cher que dans le reste de l’année. Et l’on ne s’expliquerait pas ce fait, si l’on ne savait que le foin aussi est très onéreux, parce qu’il en est très peu récolté, proportionnellement au nombre de bouches auquel il est destiné, et parce qu’avec le système communiste en vigueur, personne ne se soucie d’améliorer des prairies pour autrui.

Une autre preuve de cette maigreur des bestiaux, du faible débit auquel ils se prêtent, nous est fournie par la comparaison du prix de l’animal sur pied avec celui du kilogramme de viande autrefois et de nos jours. De ce que la moyenne actuelle du prix des vaches ou des bœufs s’établit à 380 francs, lorsque le kilo de bœuf se vend au détail 1 fr. 60, il résulte que l’animal représente, en viande nette, 237 kilos ; en fait, il représente davantage, puisque le boucher prélève un bénéfice qui suppose l’existence d’un rendement supplémentaire en poids, mais il en était de même jadis.

Négligeons donc, puisqu’il ne s’agit ici que d’une approximation, la part du commerçant, aussi bien au XIXe siècle qu’au XIVe ou au XVIe. Cet animal, qui pèse aujourd’hui 237 kilos, n’a jamais atteint une moyenne semblable dans les âges antérieurs. Le poids le plus fort qu’accuse le rapprochement des prix de vente « au détail » et « sur pied » est de 180 kilos en 1350 et en 1550 ; il descend jusqu’à 120 et 110 kilos seulement de 1376 à 1450, pendant la période la plus critique qu’ait traversée l’agriculture. Sans doute personne ne songeait, en ce temps-là, à soumettre au régime de l’élevage des sujets menacés d’une rafle permanente de la part des brigands-guerriers. On laissait les individus de chaque race se tirer d’affaire comme ils pouvaient. C’est, en effet, à la même époque que l’on constate les plus petits poids pour les moutons et les porcs.

Les premiers, qui pèsent en moyenne 18 kilos, n’en pesaient que 9 sous Charles VII ; les seconds, qui équivalent actuellement à 60 kilos, n’en rendaient alors que 18. Pour les veaux, au lieu des 44 kilos du rendement contemporain, on n’en tire pas, en moyenne, — de 1200 à 1500, — plus de 27 kilos par tête. Cette