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de renseignemens, de conscience, et de chances de bonheur.

Parfois la Société se borne à prêter son concours pour faciliter l’accomplissement de promesses échangées en dehors d’elle. C’est ainsi que j’ai vu, dans son bureau, une cuisinière, qui se préparait à partir, toute joyeuse, pour rejoindre à Nouméa son fiancé, un gendarme. Autant que j’ai pu comprendre, il s’agissait d’une payse et d’un conscrit qui ne s’étaient pas vus depuis longtemps. Enfin, la Société a reçu, il y a quelques jours, l’agréable nouvelle qu’une jeune fille placée par elle, à la Nouvelle-Calédonie également, venait d’y contracter un excellent mariage. Le père de la jeune mariée était si content d’avoir ainsi casé une fille à distance, qu’il demandait s’il ne pourrait point également envoyer la seconde à la Nouvelle-Calédonie, qui paraît décidément le paradis des mariages. Ce sont là, jusqu’à présent du moins, des cas exceptionnels. Les « coloniaux » de France auraient tort, je le crains, de compter sur la Société d’émigration des femmes pour peupler les colonies où les hommes dominent. Lorsque la population de ces colonies se sera accrue par l’émigration de familles entières, par le développement normal de la population déjà installée, alors, pour remplir certains emplois qui conviennent aux seules femmes, elles pourront s’adresser à la Société d’émigration. Mais, tant qu’elles continueront à servir de champ d’activité à un certain nombre de colons célibataires qui feront le sacrifice d’aller y passer dix ou douze ans pour y faire fortune et y amasser de l’argent, avec l’arrière-pensée de revenir un jour dépenser cet argent dans la métropole, elles n’auront point l’idée de s’adresser à la Société d’émigration, car les colons de cette espèce ne se soucient point de s’encombrer d’une femme et d’une famille. Les femmes qu’on rencontre aux colonies, comme partout, leur suffisent. Quant à une famille, ils s’en soucient encore moins. La nécessité, sentie par quelques personnes charitables, de créer au Tonkin une société pour recueillir les petits métis abandonnés le démontre surabondamment. En un mot, la Société d’émigration des femmes pourra profiter de l’expansion coloniale : je doute qu’elle puisse y aider.

Ce qu’il faudrait, en attendant, ce serait l’aider elle-même dans son action charitable. Cette action se trouve forcément restreinte par l’exiguïté de ses ressources. Un certain nombre de ces femmes qui s’adressent à elle sont aux prises avec la situation