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m’a déterminé à répondre à l’appel de M. Chailley-Bert, et c’est ainsi que j’ai accepté de devenir le parrain de l’enfant dont il était le père.

Cet enfant a aujourd’hui seize mois. Qu’est-il advenu de lui ? Où en est-il de sa croissance ?


VII

Cette idée d’encourager l’émigration des femmes aux colonies, que certains Français ont trouvée si étrange et si joyeuse, n’avait cependant, par elle-même, rien de nouveau, ni d’original. C’est une idée anglaise. Or, si l’on veut coloniser, il faut bien se résoudre à emprunter quelques idées à l’Angleterre, qui ne paraît point avoir mal réussi en ce genre d’entreprise. J’ai sous les yeux un petit livre très bien fait (je voudrais que le pareil existât en France), qui est intitulé : The English Women Year-Book. C’est une nomenclature exacte, une sorte de dictionnaire de toutes les œuvres, institutions, sociétés qui intéressent directement ou indirectement les femmes. A l’article Émigration, ce dictionnaire ne mentionne pas moins de quatre sociétés ayant pour but de favoriser l’émigration des femmes. Il mentionne également l’existence de dix-sept institutions où l’on donne aux jeunes filles une éducation spéciale, en vue de les préparer à gagner leur vie aux colonies. La plus importante de ces sociétés est la United British Women Emigration Association, qui compte quatorze années d’existence. Depuis sa fondation, elle a déjà favorisé l’émigration aux colonies de plus de dix mille femmes self respecting. Au cours de l’année 1896, elle a été en relation avec 1902 personnes, elle a écrit 5 646 lettres, et expédié aux colonies 378 femmes isolées et 13 familles comprenant 38 personnes. Son budget s’élève à près de 5 000 livres, et l’importance de ses ressources lui permet de faire aux émigrantes certaines avances que celles-ci lui remboursent sur leurs premiers gains. Bien qu’elle n’ait aucun caractère confessionnel, cependant une même pensée religieuse semble animer tous ses membres, et elle se refuse à expédier aucun convoi de jeunes filles sur un bâtiment qui ne serait point muni d’un chapelain.

Cette association est honorée des plus hauts patronages. Avec ce sens du devoir social qui caractérise l’aristocratie anglaise, les femmes du rang le plus élevé ont inscrit leurs noms sur ses listes.