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généralement elles s’adonnent : couturières, lingères, modistes, etc. Il n’en saurait être de même pour les emplois qu’elles sollicitent. On ne peut arriver à se former une idée, même très approximative, du nombre de ces solliciteuses qu’en rassemblant de droite et de gauche des renseignemens qui aient au moins le mérite de l’exactitude. C’est ce que je me suis efforcé de faire.

La principale fabrique de non-classées, c’est le ministère de l’Instruction publique. Depuis que la nouvelle législation scolaire a rendu obligatoire la création d’un grand nombre de nouvelles écoles de filles, en même temps qu’elle proscrivait à l’avenir des écoles communales toutes les institutrices congréganistes, elle a ouvert devant l’ambition des jeunes filles élevées dans nos écoles primaires une carrière qu’au début elles ont pu croire illimitée. Elles s’y sont précipitées avec ardeur, et se sont ruées aux examens, persuadées que le brevet menait à tout et était un gagne-pain.

Je ne possède pas pour toute la France le chiffre des institutrices brevetées en attente d’emploi, mais j’ai pu me le procurer pour le département de la Seine.

Du 1er janvier au 31 décembre dernier, il avait été adressé au préfet de la Seine 897 demandes d’emplois d’institutrices adjointes dans les écoles du département. Pendant ce même laps de temps, 394 postulantes avaient été pourvues d’un emploi d’institutrice-adjointe ou auxiliaire. Ce chiffre, relativement élevé, est tout à fait exceptionnel et spécial à l’année 1897. Il comprend, en effet, 288 postulantes ou remplaçantes provisoires, désignées pour former les nouveaux cadres auxiliaires de Paris et de la banlieue. En plus de ces 288 nominations faites d’un coup, il n’y a eu que 106 nominations à des emplois normalement vacans. C’est la moyenne annuelle.

Les demandes reçues dans l’année auxquelles il n’a pas été fait droit prennent rang après celles de l’année précédente, et ainsi de suite. Aussi la liste s’allonge-t-elle en quelque sorte indéfiniment. Elle était au commencement de cette année de sept mille quarante-trois. Mais quelques-unes de ces demandes sont de date si ancienne (il y en a qui remontent à 1871), qu’elles peuvent être considérées comme périmées. Quel est le chiffre réel des expectantes qui peuvent encore espérer que quelque recommandation efficace les fera sortir du rang ? Il est impossible de le dire avec exactitude, mais assurément il est considérable.