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parois des coteaux qu’au fond des vallées où se rassemblent les eaux descendant des plateaux. Les herbes de bonne qualité ne croissent que là où l’eau se renouvelle ; si elle séjourne, la prairie est envahie par les plantes grossières des marécages.

Les prairies naturelles couvrent les pays à pluies abondantes, comme la Normandie ; elles s’étendent de plus en plus en Bretagne et en Limousin, où un sous-sol rocheux et accidenté est recouvert d’une mince couche de terre maigre et filtrante. Dans la Haute-Vienne, très vallonnée, on pratique les irrigations, qui deviennent plus rares sous le climat humide de la Bretagne.

L’eau, nécessaire à la végétation de la prairie, ne suffit pas à la rendre luxuriante, il faut lui apporter en outre les alimens que la terre elle-même est incapable de lui fournir. S’il est généralement inutile de s’occuper d<e l’alimentation azotée, à laquelle suffit le travail des bactéries, il faut pourvoir à l’alimentation minérale ; malgré ses pluies abondantes, la Bretagne est restée couverte d’ajoncs et de bruyères, tant que l’épandage du noir animal, puis de la poudre de phosphates fossiles, de scories de déphosphoration et de chaux, n’a pas apporté à ses terres, provenant de la désagrégation du granit, les élémens qui y faisaient défaut. Il en a été de même du Limousin, qui n’a pu nourrir copieusement son excellente race bovine qu’après l’établissement du chemin de fer, lui amenant à bas prix la chaux du Berri.

Quand les terres fortes, à sous-sol imperméable, présentent une certaine épaisseur, elles portent de bonnes récoltes de froment à la condition qu’on ménage aux eaux, qui ne s’infiltrent que difficilement, un écoulement superficiel. Il y a trente ans, la Brie, dont le sous-sol est essentiellement argileux, était cultivée en billons formant des planches très bombées, séparées les unes des autres par des rigoles d’écoulement qui déversaient leurs eaux dans des fossés entourant toutes les pièces de terre. Les parties trop difficiles à travailler ont été boisées ; les forêts de Crécy, d’Armainvillers, s’étendent sur le plateau limité entre la Seine et la Marne. Au milieu des pièces, on trouve même des petits bois, des remises très favorables au gibier ; il abonde dans ce pays où l’eau ne manque nulle part. Les plus belles chasses des environs de Paris sont réunies sur ces terres fortes, que les travaux de drainage ont, au reste, singulièrement améliorées. En déterminant l’écoulement des eaux souterraines, il a été possible de labourer à