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combler, et quand le pays eut été assaini, il le boisa de pins maritimes. Leurs racines, incapables de perforer l’alios, s’infléchissent sur la surface, y rampent, s’y incrustent et trouvent dans cette masse dure, mais spongieuse, assez d’humidité pour subvenir à leur faible évaporation. Cette vaste contrée est transformée aujourd’hui en une immense forêt de pins maritimes fournissant de la résine, des étais de mines, des poteaux télégraphiques et du bois de chauffage.

C’est aussi en pins maritimes qu’on avait planté les plus mauvaises terres de la Sologne. On se rappelle que pendant le dur hiver de 1879-80 ces arbres furent gelés en grand nombre ; on a replanté depuis en pins sylvestres, moins sensibles aux grands abaissemens de température.

Les terres un peu vallonnées, à sous-sol imperméable, se prêtent à la création des étangs ; ils étaient nombreux naguère, aussi bien en Sologne que dans la partie du département de l’Ain désignée sous le nom de Dombes. Au commencement du siècle, ils couvraient encore le cinquième de ce pays ; les propriétaires non-résidens en tiraient un revenu supérieur à celui que donnait la culture de ces terres ingrates : « brique en été, boue en hiver ». Les miasmes paludéens y pullulaient, la population rare, malingre, ne fournissait jamais à l’armée son contingent de conscrits. La plus grande partie des étangs a disparu, on les a remplacés par des prairies naturelles. Pour qu’elles prospèrent, il faut, ainsi qu’il a été dit, qu’une terre de faible épaisseur repose sur un sous-sol imperméable et incliné. Les graminées, qui composent la prairie permanente, n’ont que de courtes racines, et, sous peine de dépérir, elles doivent trouver l’eau à leur portée. Pendant la grande sécheresse de 1893[1], la pénurie de foin fut excessive, et les pertes de bétail énormes, l’herbe avait complètement disparu. Or, des déterminations d’humidité que je fis exécuter à cette époque à Grignon et au Muséum montrèrent que la couche superficielle de la terre jusqu’à 25 centimètres était seule desséchée ; plus bas, on trouvait encore 15 centièmes d’humidité environ ; aussi les récoltes du blé, celles mêmes des légumineuses des prairies artificielles à racines profondes, restèrent passables.

Quand l’eau s’écoule lentement sur un sous-sol en pente, elle abreuve les courtes racines des graminées, aussi bien sur les

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1893.