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décisive de l’élément calcaire sur la stabilité du sol. Cet élément, toutefois, n’agit qu’autant qu’il est dissous ; or, insoluble dans l’eau pure, il resterait inutile si, par sa combustion lente, l’humus ne fournissait constamment de l’acide carbonique, qui assure la dissolution du calcaire. Si donc la composition de la terre ne varie pas à chaque averse, si les eaux qui la traversent s’écoulent limpides, sans se charger d’argile, c’est que les micro-organismes toujours en travail brûlent l’humus et en dégagent de l’acide carbonique ; l’eau qui s’en empare dissout le calcaire, l’argile est maintenue coagulée, elle s’agglutine autour des grains de sable et les enveloppe, comme la pulpe d’un fruit entoure le noyau.

Jamais une terre n’est uniquement formée d’un des quatre élémens dont nous venons d’indiquer les propriétés ; cependant, quand on a essayé de classer les terres arables, on en a fait d’abord quatre genres : terres sableuses, argileuses, calcaires, ou humifères, ainsi nommées d’après l’élément qui domine sur les autres ; puis, reprenant ensuite les terres argileuses et sableuses, qui sont les plus communes, on y a distingué des espèces qu’on a désignées d’après l’élément le plus abondant après celui qui domine. Les terres argileuses, appelées encore terres fortes, comprennent les terres argilo-sableuses, argilo-calcaires, argilo-humifères, et les terres dans lesquelles le sable est l’élément dominant, les terres légères, ont été nommées sablo-argileuses, sablo-calcaires et sablo-humifères. Enfin, on a désigné sous le nom de terres franches, celles dans lesquelles les quatre élémens sont réunis dans les proportions les plus favorables à la bonne circulation de l’air et de l’eau.

Dans une bonne terre franche, les petites molécules composées des quatre élémens : le sable, l’argile, le calcaire et l’humus, forment des agrégats assez indépendans les uns des autres pour laisser entre eux des interstices dans lesquels l’eau s’infiltre sans former de flaques à la surface ; elle pénètre, descend par les petits canaux que les molécules laissent entre elles, se loge dans les vides, sans les combler, et l’air y circule.

En temps normal, une terre semblable est continue ; il est rare cependant qu’après les chaleurs elle ne montre pas quelques fentes dues au retrait qu’éprouve l’argile pendant la dessiccation. Celle-ci n’est jamais assez complète pour que le vent soulève la terre franche et l’entraîne ; elle n’est pas mobile comme le sable, la gelée la durcit, mais au dégel, on n’y voit pas de plaques soulevées comme dans les terres calcaires.