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toujours jaune, comme les romantiques préoccupés d’effets à la Rembrandt avaient voulu qu’elle le fût. On a fait des chefs-d’œuvre avec les trois systèmes d’éclairage. On en a fait dans toutes les gammes choisies pour exprimer la couleur générale de la lumière. Aujourd’hui, on tend à revenir à toutes, sans proscrire les plus anciennes, ni les plus méprisées.

Notons donc l’effondrement total, sur ce point, comme sur les autres, des théories intransigeantes prêchées depuis tantôt trente années par les modernistes. Car, si de ces Salons de 1898, pas une affirmation ne se dégage, du moins ils témoignent tous deux du peu de résultats obtenus par les violens du Réalisme et de l’Impressionnisme, du vide de leurs prophéties et du néant de leurs prétentions. Constater ce néant n’est pas s’en réjouir. Beaucoup d’entre nous avaient conçu de ces idées et de ces maîtres quelques grands espoirs. Certaines œuvres de Courbet, de Manet, de MM. Roll, de Nittis, Claude Monet, Raffaelli, Besnard, avaient semblé, à différentes époques depuis trente ans, annoncer un art nouveau, — mais cet art nouveau n’a point paru. A certains momens, la critique des « jeunes » nous a prophétisé que nous étions à « un tournant » de l’histoire de l’art ; l’année suivante, nous étions à un autre « tournant » ; l’année d’après, à un troisième « tournant » ; et nous avons effectivement si bien et si constamment tourné que l’évolution prédite et prêchée s’est accomplie en cercle et que nous sommes revenus à peu près au même point d’où nous étions partis. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder. Quand Castagnary bataillait, dans ses Salons, contre la représentation de scènes que le peintre n’a jamais vues, il annonçait la poussée formidable de l’Art vers l’étude exclusive de l’homme moderne, de la vie actuelle, toute saignante de nos blessures, toute palpitante de nos émotions. Trente ans ont passé, et l’œuvre la plus considérable des deux Salons est une représentation de la vie à l’époque quaternaire, due à M. Cormon, où les gens se coiffent avec des plumes, et regardent passer un mégathérion et un machærodon ; — ou encore un groupe d’hommes réunis pour faire de l’astronomie dans une cave, figures d’artistes contemporains, il est vrai, mais figures émergeant de fraises tuyautées par les doigts très habiles de M. Roybet.

Il était entendu aussi que le Réalisme nous débarrasserait des allégories, des symboles, des fictions épiques ou religieuses. « Qui a jamais vu des anges ? » demandait Courbet, dans un gros rire,