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mêmes bancs, il avait assisté aux cours de sir James Stephen. « Jamais ne s’était vue plus inutile dépense de talent. » Quelques rares étudians prenaient des notes parce qu’ils y étaient forcés. « Le reste écoutait distraitement et se hâtait d’oublier. » Lui-même avait été envoyé là, « pour se reposer, en qualité de convalescent et avec défense expresse de travailler ». Et il ajoutait : « Ce souvenir n’est pas fait pour m’encourager. » Il donnait à entendre que les choses n’avaient guère changé sous son prédécesseur immédiat. Kingsley, plus orateur que professeur, avait attiré des auditeurs et non des élèves. Le professeur d’histoire moderne, à Cambridge, il y a trente ans, se trouvait dans une situation à peu près semblable à celle de nos anciens professeurs de faculté. Sa tâche était de jeter des généralités banales, en style plus ou moins académique, aux échos d’une grande salle vide. Seeley le comprenait et s’en désolait, mais cette franchise pessimiste, cet aveu d’impuissance n’étaient, chez lui, que le prélude d’un énergique déploiement d’activité intellectuelle. Il allait se dévouer à sa besogne, tout tenter pour donner à l’enseignement historique la dignité, l’efficacité, l’utilité pratique qui lui appartiennent. Dès ce jour, il avait découvert sa véritable vocation, car cette première leçon a pour titre et pour sujet : l’Enseignement de la politique.


II

Le cadeau de noces de M. Gladstone n’était pas aussi beau qu’il en avait l’air. Le regius professor d’histoire moderne était maigrement doté et devait, pour mettre son budget en équilibre, donner çà et là des conférences, écrire dans les journaux et travailler pour les libraires. Un anonyme (ce genre de bienfaiteurs littéraires n’existe, je crois, qu’en pays anglais) servit à Seeley, en attendant la prochaine révision des traitemens universitaires, le complément de la rémunération promise. En même temps, la Société de la Cambridge University press passa avec lui un traité fort libéral, qui lui assurait l’argent et les loisirs nécessaires pour entreprendre un grand ouvrage historique qu’il avait en vue. C’était la Vie de Stein.

Qui lui inspira le choix de Stein ? Le baron de Stein n’est ni un grand homme ni une personnalité sympathique. « Un baron et rien de plus ! » telle est l’oraison funèbre que lui accordèrent