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embrassemens de leurs compagnons. Cette sélection instruisait ceux-ci de leur sort.

On dit qu’après avoir entendu lecture de l’arrêt qui les renvoyait des fins de la poursuite, Mmes de Virel et d’Allerac ne pouvant plus conserver aucune illusion sur la condamnation de leur jeune sœur, Mme de la Fonchais, furent prises d’une crise de désespoir si poignant, qu’attirés par leurs cris dans la salle des délibérations, trois des jurés qui venaient de rendre le terrible arrêt s’empressèrent à leur faire reprendre leurs sens.

— Ayez du courage, mesdames, disaient-ils, votre religion doit vous en imposer et vous fournir aussi des consolations.

Tandis que cette lamentable scène se passait dans les coulisses du tribunal, comparaissaient devant les juges le jardinier Perrin et le médecin Lemasson : celui-ci bénéficiait des privilèges de sa profession ; l’autre recueillait le prix de ses délations ; tous deux s’entendirent condamner à la déportation.

Enfin on fit monter M. et Mme de la Guyomarais, Pontavice, Fontevieux, la Chauvinais, Thérèse de Moëlien, Mme de la Fonchais, Picot de Limoëlan, Morin de Launay, Locquet de Gran-ville, Grout de la Motte, Jean-Vincent : ils prirent place sur les bancs, entre les gendarmes, et Montané, debout, la tête couverte, donna lecture de l’arrêt qui les condamnait à mort et ordonnait que leurs biens seraient séquestrés et vendus au profit de la République.

Le jugement devait être exécuté le jour même, sur la place de la Révolution.


Il était plus de dix heures du matin, le 18 juin, lorsque les condamnés descendirent du tribunal. Ils ne rentrèrent pas à la Conciergerie et furent directement amenés à la salle basse, voisine du greffe, où devaient se faire les apprêts de leur supplice. Douze ecclésiastiques les y attendaient ; jusqu’à l’époque de la pleine Terreur, Fouquier-Tinville ne manqua jamais d’informer chaque jour du nombre des condamnés l’archevêché, qui envoyait au Palais autant de prêtres que la fournée comprenait de victimes ; prêtres assermentés, comme bien on pense, et qui, la plupart du temps, voyaient repousser leurs offres de service : beaucoup, cependant, soit par charité chrétienne, soit par habileté politique, s’obstinaient à suivre les condamnés jusqu’à l’échafaud.