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blâmer l’Italie d’avoir inséré dans son code de la marine marchande une disposition ainsi conçue : « L’armement en course est aboli. Toutefois, quels que soient les engagemens pris par la convention de Paris du 16 avril 1856, l’armement en course contre les puissances qui n’auraient pas adhéré à cette convention ou qui s’en seraient départies pourra être autorisé à titre de représailles pour les prises qui seraient faites au détriment de la marine marchande nationale. » Le gouvernement britannique, nous en sommes convaincu, ne résoudrait pas autrement la question[1].

Charles Giraud, membre de l’Institut de France et professeur à la Faculté de droit de Paris, avait prédit en 1860 que, dès qu’une guerre générale éclaterait, les nouveaux traités seraient éludés. Un certain nombre de publicistes soutiennent que cette prédiction s’est accomplie depuis la guerre franco-allemande de 1870. Nous abordons une des questions les plus graves qui s’agitent aujourd’hui dans la sphère du droit international public.

Le gouvernement prussien rétablissait-il la course par un moyen détourné, lorsqu’il organisait, le 24 juillet 1870, une marine volontaire pu auxiliaire (freiwillige Seewehr), conviant les particuliers à mettre aux mains du gouvernement, pour attaquer la marine militaire ennemie, les navires en état de faire la guerre et laissant aux armateurs le soin d’enrôler tout leur équipage ? Le marquis de la Valette adressa presque aussitôt (20 août 1870) une note au comte Granville : celui-ci, après avoir consulté les avocats de la Couronne, répondit que la Prusse ne lui paraissait pas avoir enfreint la convention de 1856. Le gouvernement français annonça néanmoins son intention de traiter ces nouveaux bâtimens comme des corsaires. A vrai dire, il était difficile au comte Granville, du moins dans la première phase des hostilités, de faire une autre réponse, puisque le roi Guillaume avait interdit à ses sujets par une première ordonnance (18 juillet 1870) la capture des navires de commerce français[2] ; mais, à partir du 19 janvier 1871, cette ordonnance ayant été rapportée, l’Allemagne aurait pu lancer les nouveaux bâtimens de sa marine auxiliaire contre nos navires de commerce : la question se présentait dès lors sous son aspect complexe et menaçant.

  1. Voir les explications données sur ce point spécial au Parlement anglais, le 3 mars 1877, par le sous-secrétaire d’État Bourke.
  2. Excepté, bien entendu, ceux qui auraient été soumis à la capture, s’ils avaient été neutres.