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simultanément en Bretagne, dans le Maine, dans l’Anjou, en Vendée.

Enfin, le 3 avril, un nouvel arrêté du Comité de sûreté générale vint couper court à toutes les tergiversations en ordonnant d’une façon formelle le transfèrement immédiat, dans les prisons du Tribunal révolutionnaire, des prisonniers de l’affaire de Bretagne.

On partit le 12 avril au matin : Mme de Virel et ses sœurs avaient obtenu de voyager dans la voiture de leur père ; les autres accusés étaient sur de la paille, dans des chariots ; les hommes seuls étaient enchaînés. Une centaine de gendarmes et de gardes nationaux formaient l’escorte que conduisaient Sicard et Lalligand, devenus amis.

Celui-ci ne renonçait pas à spéculer sur la malheureuse situation des dames Desilles : il supposait que, peu chargées par son procès-verbal, elles avaient quelque chance d’échapper à une condamnation capitale ; il lui serait facile, après l’acquittement, de les persuader qu’elles devaient la vie à ses bons offices ; et dès maintenant il se ménageait leur reconnaissance en leur témoignant un intérêt de tous les instans. C’était à lui qu’elles étaient redevables de la faveur du carrosse, et comme elles s’étonnaient de ne pas voir Chévetel au nombre des prisonniers, il leur avait conté que le médecin, parvenu à s’échapper, devait tenter, en cours de route, de délivrer ses amis.

Le soir du premier jour, on arriva vers sept heures à Vitré : les prévenus furent conduits à une auberge située « sur la petite place plantée de tilleuls qui borde les fossés ». Toute la population de la ville se pressait dans les rues : au moment où le convoi pénétrait sur la place, quelques cris de mort s’élevèrent ; mais Lalligand commanda à ses hommes de mettre sabre au clair, et la foule se tut aussitôt.

Le lendemain on s’avança jusqu’à Laval : Sicard et Lalligand écrivaient de là au ministre :

Nous voilà rendus, avec notre convoi ; mais non sans de très grands embarras : nous prenons nos mesures pour qu’on ne guillotine personne en route ; il faut conserver ces belles têtes pour Paris. Demain, nous repartons à sept heures…

Les commissaires sans culottes,
LALLIGAND-MORILLON, SICARD.

Ils signaient ensemble, comme on le voit, et vivaient en parfaite intelligence ; ce qui n’empêchait pas Sicard d’adresser