Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou moins servile agglomération ! Et de fait, les Romains n’ont guère innové que dans les édifices civils et d’utilité publique, ce qui est d’ailleurs une régulière conséquence de leur état politique et social, peu embarrassé d’idéal, mais constitué en vue d’organiser civilement et pratiquement la vie d’une population très dense, et selon des principes d’édilité qu’on appliquera plus tard aux énormes agglomérations modernes. Encore n’ont-ils échappé au reproche de plagiat et à cette fatalité de la banale copie, qu’en appliquant, pour la première fois sans doute d’une façon aussi logique et aussi pratique à d’immenses constructions, les formes, très anciennement connues en Asie, de l’arc et de la voûte, que les Grecs avaient négligées, sinon ignorées, comme déplaisantes à leur sain et vigoureux amour des lignes droites. Et d’où venait le principe de cette forme en arc que les Romains peu à peu substituèrent à la plate-bande ? de l’Étrurie sans doute, habitée depuis longtemps par un petit peuple encore mal connu, dont on commence cependant à démêler les origines, phéniciennes pour le moins autant que grecques, et qui aurait ainsi pris à de lointaines traditions d’Asie l’art de bâtir avec la voûte et l’arc. Ainsi de l’Orient toujours, par-dessus la civilisation grecque, vient en Italie la grande leçon, apportée par ces Phéniciens, véritables commis voyageurs de l’antiquité, colporteurs de bijoux et d’art, de denrées et de dieux. D’autre part, la plupart des œuvres romaines ont été faites par des architectes venus de la Grèce, au service des nouveaux maîtres du monde, de sorte qu’entre ces deux influences, parfois contradictoires, il est advenu que l’art vraiment romain ne fut jamais ni très pur ni très personnel. Il faut dire pourtant qu’en améliorant, sinon en inventant, le système des voûtes, pratiquées, non plus par assises horizontales[1], mais au moyen de pierres taillées en voussoir, et en l’appliquant, le plus souvent avec l’aide d’un ciment très dur, à toutes les variétés possibles de constructions, il ouvrit la voie, avec une audace et une perfection technique destinées dans l’avenir à d’immenses résultats, au futur art roman, d’où sortira l’art gothique, et à la plus romaine renaissance d’où sortira l’art moderne.

  1. Comme, par exemple, au Trésor d’Atrée, à Mycènes, où ta voûte parabolique est posée sur des murs circulaires, mais fut construite sans doute par assises successivement placées en encorbellement l’une sur l’autre jusqu’au sommet, après quoi on abattit les angles en saillie.