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l’architecture antique, — et déjà merveilleuse est la part d’invention qui reste aux architectes chrétiens, — que par l’emploi de points d’appui nouveaux, ce qui est encore une conséquence et une image à la fois du point d’appui moral que prenait ailleurs, — dans l’espace, dans l’infini, — la religion nouvelle qu’il s’agissait d’exprimer en pierre et en art. L’architecture ogivale est fille chrétienne, revenue d’Orient ; mais nous retrouverons sous sa robe mystique, enrichie des broderies de Byzance, la structure rationnelle des beaux corps antiques, allongés sans fin sous notre pâle lumière, amaigrie jusqu’à l’impossible, aux rêves de la nouvelle foi.

Donc, s’il est très vraisemblable que les modes de construction pratiqués en Orient, bien longtemps avant l’éclosion de l’art grec, surtout chez les peuples à organisation théocratique comme les Assyriens et les Égyptiens, ont dû procéder de principes très déterminés, presque hiératiques, dont les secrètes mesures nous resteront probablement inconnues, il n’en est pas moins certain qu’à la détermination des ordres par les Grecs, remonte la constitution rationnelle de l’architecture. Après la longue incubation commune à tous les peuples riverains de la Méditerranée orientale, qui dure du XVIe siècle avant Jésus-Christ jusqu’aux dernières années du VIIe, et dont on ne savait rien avant les récentes fouilles faites à Hissarlick, à Santorin, à Mycènes, à Spata, sous l’action vivifiante, incessamment renouvelée, — venue toujours par la mer, l’élément symbolique et bleu, — de Tyr et de Sidon, au moyen des échanges phéniciens, de Babylone et de Ninive, par les routes d’Asie Mineure, ces trop heureux Hellènes ont patiemment travaillé pendant trois siècles à la formation du type architectural suprême ; la gloire de l’avoir déterminé allait être réservée à la logique et religieuse croissance de leur idéal. Au milieu du Ve siècle, à ce moment unique de l’indépendance et de la joie d’un peuple héroïque, vainqueur enfin de ses voisins et de lui-même, maître de son sol, de sa poétique et de son art, se place l’événement architectural le plus considérable de l’antiquité — peut-être de l’histoire humaine en beauté — l’achèvement du Parthénon. L’Acropole d’Athènes, avec sa trilogie du Parthénon, de l’Erechtheion et des Propylées, est certainement un des sommets du monde intellectuel, un des points culminants du Beau.

Là, et peut-être là seulement, on comprend vraiment l’antiquité, à peine devinée dans le désert de Pœstum, ou parmi les