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Reste enfin la ressource de se ravitailler à Halifax ou à Sidney. Les Anglais, qui paraissaient d’abord si partiaux en faveur des Américains, ont déclaré, depuis, qu’ils vendraient du charbon aux Espagnols, en parfaits négocians qu’ils sont toujours ; et de fait, ils se sont bien gardés de considérer le charbon comme contrebande de guerre. Dès lors, et de par le droit des neutres, ils peuvent donner au belligérant qui relâche sur une de leurs rades pendant vingt-quatre heures la quantité de combustible nécessaire pour regagner son port le plus voisin. Or à Halifax, on est à 2 400 milles du port espagnol le plus voisin, le Ferrol, de sorte qu’en réalité, on remplirait les soutes.


Passons dans l’océan Pacifique et voyons ce qu’étaient les forces navales en présence dans la mer de Chine.

Les Américains y avaient leur meilleure escadre, sinon la plus nombreuse ; la plus homogène, la plus moderne, la mieux armée de beaucoup, parce qu’elle était constituée depuis longtemps, depuis les démêlés de la Chine et du Japon, depuis la naissance de la question des îles Hawaï. Quatre superbes croiseurs protégés, et, en tête, l’Olympia, un des chefs-d’œuvre du genre, d’après un maître en construction navale, M. l’ingénieur Bertin, en formaient le noyau. A côté du Baltimore, du Boston, du Raleigh, navires de 3 300 à 4 500 tonnes, se rangeaient deux fortes canonnières, protégées aussi et armées de canons modernes, le Pétrel et la Concord ; puis un aviso sans valeur militaire, simple porteur d’ordres, le Mac Culloch ; enfin des paquebots chargés de charbon.

Aux six puissans navires de combat du commodore Dewey, l’amiral Montojo ne pouvait opposer que de vieux bâtimens de la plus médiocre valeur, une frégate en bois, stationnaire déclassé et à peine armé, la Castilla ; un croiseur de 3 000 tonnes non protégé, la Reyna-Cristina ; deux canonnières de station de 1 000 tonnes, protégées mais peu armées, l’Isla-de-Luzon et l’Isla-de-Cuba ; trois autres canonnières ou petits croiseurs de 1 000 à 1 100 tonnes, dépourvues de toute protection, le Don-Antonio-de-Ulloa, le Don-Juan-d’Austria, le Velasco ; un vieil aviso de 500 tonnes, l’Elcaño ; enfin un paquebot armé, le Mindanao.

Notons que les équipages de ces neuf bâtimens étaient en partie formés, comme il arrive dans les marines coloniales, de naturels des Philippines, alors que les équipages américains, entraînés par une longue campagne et par le contact des divisions européennes,