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mesures nécessaires pour recevoir vigoureusement l’assaillant[1] ?

Nous craignons bien que non ; et n’en voulons d’autre preuve que la difficulté que l’on éprouve aujourd’hui à parfaire la défense d’un point aussi intéressant que Matanzas, — le port le plus rapproché de Key-West, — sous le feu des vaisseaux américains.


Faut-il donc croire à l’imprévoyance du Gouvernement espagnol, — du Gouvernement, disons-nous, car, dans des questions de cette portée, ce n’est plus seulement l’administration d’un département ministériel qui est en cause, — ou bien faut-il admettre qu’on s’est heurté à la difficulté capitale, à l’absolu défaut de ressources financières ? Nous n’en déciderons pas. Mais du moins, en ce qui touche les fournitures d’artillerie, en ce qui touche les bouches à feu commandées à certaine maison française et l’approvisionnement en munitions correspondant, comment se fait-il qu’en douze ou quinze mois on n’ait su conclure des marchés fermes, précis, ni pu fournir les faibles avances de fonds nécessaires ?… Comment se fait-il que ces jours-ci même, alors qu’on voulait sérieusement acheter à Paris et à Londres des canons légers à tir rapide, on ait perdu du temps dans de vaines négociations et qu’on se soit laissé enlever les stocks disponibles non pas par le Gouvernement américain, mais par un particulier, par un Américain bien connu, patriote et richissime, à la vérité, mais surtout résolu et prompt à l’action ?

La bureaucratie officielle serait-elle donc en Espagne aussi lente, plus lente même, plus paralysante, plus néfaste qu’ailleurs ?

Résumons cependant ces deux chapitres et montrons bien qu’en effet, comme nous le disions en commençant, États-Unis et Espagne se sont laissé surprendre par les hostilités en pleine transformation de leurs organismes maritimes, en pleine préparation d’une guerre, sur la prochaine explosion de laquelle ni l’un ni l’autre des deux gouvernemens ne pouvaient se faire illusion.

Du côté des États-Unis, de fort beaux bâtimens, et des bâtimens de style offensif, notons-le, mais point de base d’opérations sérieuse sur le théâtre principal, si rapproché pourtant, point de

  1. Ceci était écrit avant le combat du 1er mai, qui a fâcheusement prouvé que la défense de la rade de Manille n’était pas sérieusement organisée.