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évasées dans les fonds ; un troisième enfin, — celui de l’arsenal de San Francisco, — n’était évidemment pas utilisable dans un conflit contre l’Espagne ; et qu’au surplus le moins éloigné du théâtre principal d’opérations, celui de Port-Royal (Caroline du Sud) en était encore à 700 milles marins environ ;

Qu’il n’y avait pas de réserve constituée pour les bâtimens de la flotte militaire qui n’étaient pas en service actif, et nous entendons par réserve une position administrative nettement définie qui assure au navire rentré dans le port l’entretien parfait de ses organes mécaniques, de ses appareils moteurs et appareils auxiliaires, aussi bien que de sa coque et de son armement ;

Que, si les munitions d’artillerie faisaient défaut, la production des canons mêmes était lente (canons de côte comme canons de bord), la solidité des affûts et des tourelles quelquefois sujette à caution, le choix des poudres discutable, la ténacité des cuirasses pas toujours bien certaine, encore qu’on les payât très cher à des métallurgistes trop puissans parce qu’ils étaient trop peu nombreux, étant exclusivement Américains !…

Ce n’est pas tout, mais la liste prendrait ici trop de place des lacunes, des défauts, des malfaçons accidentelles ou systématiques que le rapport de M. Long signale ou laisse deviner dans l’organisation du matériel et des établissemens à terre. Le pis, c’est peut-être encore ce que dit l’honorable secrétaire d’État de la situation du personnel.

Situation précaire, en effet, s’il en fut jamais !… Du moins à en juger avec nos opinions actuelles sur la nécessité de la « nationalisation » complète des forces militaires organisées d’un grand pays. Quel serait notre sentiment intime sur la solidité, sur le dévouement, sur le patriotisme de nos équipages si nous y constations la présence de 30 pour 100 de marins allemands, italiens, anglais, russes ou turcs ?… Et si, pour comble, 20 pour 100 à peu près de nos sous-officiers, — ce personnel d’encadrement qui doit être si sûr ! — étaient des étrangers ?…

Certes, notre confiance serait médiocre et nous nous efforcerions d’éviter, avant d’avoir porté remède à un si fâcheux état de choses, toute complication de nature à nous engager dans une longue et pénible guerre maritime. Or c’est justement la situation des États-Unis en ce moment. Encore est-elle-même plus fâcheuse, en réalité, d’abord parce que sur les 70 pour 100 de marins et les 80 pour 100 de sous-officiers soi-disant américains,