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joyeuse célébration d’un premier centenaire où leur repos semblait assuré, tout brûla chez elle ; elles étaient campées tant bien que mal dans la maison des Jésuites quand la guerre dite de Sept ans s’annonça pour elles par l’invasion de maladies pestilentielles amenées par les troupes. La reconstruction du monastère marcha vite cependant, grâce aux quêtes et aux collectes ; sans retard aussi les bâtimens neufs furent consacrés par le martyre obscur de plusieurs religieuses mortes d’épuisement et de fièvre au lit des malades. En 1759, le siège de Québec les força de s’exiler hors des murs. Pendant deux mois, nous disent les historiens, la ville fut exposée à une pluie de bombes sans presque pouvoir y répondre à cause de la rareté du matériel de guerre. Quand les Hospitalières rentrèrent à Québec tombé au pouvoir des Anglais, ce fut au milieu des ruines. Leur maison était remplie de soldats. Un instant elles espérèrent échapper au joug de l’étranger hérétique ; Lévis avait remporté la victoire de Sainte-Foy à la tête des milices canadiennes, mais la France ne lui envoya pas le secours sur lequel il comptait ; c’en était fait, le Canada restait à l’Angleterre. Et alors se produisit quelque chose de quasi miraculeux. Il se trouva une duchesse d’Aiguillon, petite-nièce de la fondatrice, pour intéresser aux Hospitalières lord Chatham, ministre d’Angleterre, qui les traita avec une générosité inattendue. Leur force d’âme et leur industrie vinrent à bout des autres difficultés.

Le nouveau siège de Québec par les Américains les alarma une fois de plus ; elles se trouvèrent relativement heureuses quand, le couvent ayant cessé d’être une caserne, elles purent reprendre en paix l’exercice de leur vocation.

Depuis lors elles ont vécu comme je les ai vues vivre pendant mon inoubliable séjour sous leur toit, entourées du respect et de l’affection de tous : une atmosphère d’héroïsme autant que de sainteté les enveloppe et il est facile de comprendre le genre d’enthousiasme qui amena dans leurs rangs tant de filles des meilleures familles. Elles représentaient tout de bon, selon l’expression du père Lejeune, les amazones de la charité, mêlées d’ailleurs à tous les grands événemens, recevant chez elles au débarqué cet hôte illustre, le père de l’Eglise canadienne, Mgr de Laval, de la maison de Montmorency, considérées par le Gouverneur et par les Intendans, suivies de loin d’un regard d’admiration par, les amis haut placés qu’elles comptaient