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Les Hospitalières, un peu mieux logées, remplirent une tâche plus dure encore. La terrible picote, la petite vérole, fléau de la race indienne, sévissait avec la dernière violence, et une malpropreté sans pareille aggravait la maladie presque toujours mortelle. Au milieu de miasmes suffocans, les religieuses soignaient ces pauvres êtres, se dépouillant pour les panser de leurs guimpes et de leurs bandeaux, car ils n’avaient en fait de linge que des peaux de bêtes. Ensuite les trois hospitalières, renforcées par des recrues nouvelles de France, eurent à garder pendant la saison de la chasse les enfans, les vieillards, et ces infirmes qu’auparavant les sauvages tuaient à regret, ne pouvant les emmener avec eux. La reconnaissance des chasseurs s’exprima au retour par le don des meilleurs morceaux d’orignal ou de castor, faute desquels les pauvres femmes seraient peut-être mortes de privations, bien que le Gouverneur supprimât parfois de son ordinaire, pour leur en faire hommage, quelque volaille gelée.

Québec, rendu depuis peu d’années à la France par le traité de Saint-Germain, n’était encore qu’un village de 250 âmes enveloppé de forêts ; on y manquait de tout.

Les Hospitalières, à la demande des sauvages convertis, groupés dans l’établissement qu’avait organisé pour eux le commandeur de Sillery, allèrent habiter l’endroit de ce nom à une lieue de la ville ; mais les tentatives des Iroquois, résolus à enlever « les filles blanches », décidèrent de leur retour à Québec. Là elles durent se contenter de misérables logemens d’emprunt, jusqu’à ce que, dans l’hôpital enfin achevé, elles retrouvassent ce qui leur était si cher, ce qui leur manqua si souvent, la clôture. Les épreuves qu’eurent à subir depuis leur fondation ces premiers couvens canadiens semblent presque incroyables : tremblemens de terre, sièges, bombardemens, incendies, rien ne manqua. Quitte à revenir prochainement aux Ursulines, dans une autre étude sur l’éducation des femmes au Canada et le genre de société qu’elle a produit, je parlerai d’abord des Hospitalières, ces grandes bienfaitrices de Québec.

Les voyez-vous, lors du bombardement de 1690 par les Anglais, ramasser en une seule journée, dans l’enceinte même du cloître, vingt-six boulets qu’elles font transporter aussitôt pour le service de nos batteries ? Les voyez-vous donner leur pain aux soldats, leurs planches et leurs madriers pour construire des redoutes ? Elles furent présentes aussi à la victoire, puis, après la