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partir, il fit disparaître cet ornement légendaire et, il faut le reconnaître, inutile.

Au cours de ses conversations avec nous, le colonel Combes nous contait les événemens auxquels il avait été môle. A propos d’Ancône il me dit un jour : « Ah, si j’avais eu le 47e à Ancône ! j’aurais marché sur Rome. Partout on m’aurait accueilli comme un libérateur ; de toutes parts les insurrections auraient éclaté ; on se serait soulevé, on aurait chassé tous les princes, on aurait proclamé la République. Mais j’avais avec moi un régiment composé d’officiers et de soldats de l’ancienne garde royale. Je ne pouvais pas assez compter sur eux ; et l’occasion cependant était belle. Les Autrichiens tenaient sous les plombs de Venise les patriotes exaltés de Lombardie et de Vénétie. Le duc de Modène faisait guillotiner tous les jours sous ses yeux les hommes les plus distingués de sa principauté. Le roi de Naples fusillait ou emprisonnait ses sujets, sous prétexte de crime politique, se refusant à faire poursuivre les criminels de droit commun : « La justice, disait-il, avait déjà trop à faire avec les premiers. » Les fils de Louis-Napoléon avaient soulevé la Romagne, les gendres de Murat, Pepoli et Rasponi, Bologne et les légations. De toutes parts, j’étais sûr de mon coup. Qu’aurait pu faire l’Europe en présence de tout un peuple enthousiaste proclamant sa liberté ! »

J’ai bien connu Combes, j’ai senti l’ascendant exercé par lui sur les hommes, j’ai vu avec quel soin et avec quel calme il se préparait à l’action, eh bien, je crois qu’il aurait réussi !

Que de changemens alors ! Garibaldi n’eût pas existé et c’est Combes qui, un demi-siècle plus tôt, eût été le créateur de l’indépendance et de l’unité italienne !