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l’hérédité de la pairie fût abolie et demanda qu’on marchât au secours de la Pologne révoltée. Louis-Philippe arrêta net l’orateur, lui déclarant qu’il n’avait à s’occuper ni de politique extérieure ni de politique intérieure.

Cela jeta un certain froid sur l’enthousiasme qui avait accueilli le roi-citoyen à la revue, et le lendemain du discours du maire, Louis-Philippe partit tristement par une pluie de déluge, sans fanfares, sans pompe militaire presque : il semblait s’enfuir de la patriotique cité dont nous ne pouvons plus aujourd’hui prononcer le nom.

C’était la conséquence même de la révolution de Juillet. Le gouvernement de Louis-Philippe ne s’appuyait sur aucun principe fondamental. Une quinzaine de députés et de journalistes sans mandat l’avaient appelé au pouvoir. Il ne tenait donc sa royauté ni du principe de la légitimité de droit divin, ni de celui de la souveraineté du peuple. Sa nomination n’avait même pas le mérite de donner satisfaction à ceux qui avaient fait la Révolution, car leur grande majorité se divisait en bonapartistes et en républicains. Ces derniers devaient forcément être des ennemis du lendemain ; quant aux bonapartistes, Louis-Philippe, politique de premier ordre, sut se les attirer.

A l’étranger, les événemens de Juillet devaient être considérés comme une revanche de 1815. Ils apparaissaient comme une nouvelle révolution de 1789, prête à ébranler tous les trônes, car Louis-Philippe avait surgi comme un nouveau Napoléon, retour de l’île d’Elbe. Sa politique extérieure aurait dû, rationnellement, être la lutte ouverte et franche pour l’affranchissement des nationalités contre la Sainte-Alliance. Or loin de soutenir l’émancipation des peuples soulevés de toutes parts au bruit du canon de Juillet, Louis-Philippe chercha avant tout la paix ; tantôt il s’opposait à la nomination comme roi des Belges du fils d’Eugène de Beauharnais pour accepter un petit prince allemand croisé d’anglais, et il livrait ainsi la Belgique à l’influence de l’Angleterre ; tantôt il abandonnait les Lombards, les Italiens et les Polonais, et n’élevait même pas la voix pour protester contre les terribles représailles que Prussiens, Russes et Autrichiens exerçaient sur les champions de l’indépendance de ces nations.

Loin de moi l’idée de blâmer cette politique plus adroite que brillante ! je dois seulement constater que la nomination du roi des Français ne reposait sur aucun principe, et que sa politique