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devait y revoir les défilés de l’Argonne et les plaines de Valmy, dont il aimait tant alors à rappeler le souvenir. Car il ne prononçait pas un discours sans y mettre la fameuse phrase : « Vieux soldat de Valmy et de Jemmapes… »

Sur ce champ de bataille de Valmy, après avoir, à l’exemple de Napoléon, détaché de la poitrine de quelques-uns des officiers qui le suivaient la croix de la Légion d’honneur pour la remettre à des gardes nationaux, il passa ceux-ci en revue ; puis, laissant de côté, suivant son habitude, toute étiquette, il parcourut à pied les endroits témoins des différens épisodes de la lutte.

On était au printemps ; le soleil était radieux ce jour-là, Louis-Philippe n’était pas moins rayonnant en uniforme de la garde nationale avec un large pantalon blanc ; il multiplia les poignées de main et les complimens. Car nulle garde n’empochait la foule des paysans et des ouvriers de venir sur ses pas le dévisager et l’aborder.

A ses côtés étaient les maréchaux Soult et Gérard et le vieux général Tirlet. Ces deux derniers avaient aussi combattu à Valmy, mais comme simples soldats dans les bataillons de volontaires. Louis-Philippe fit une sorte de cours à la foule qui le suivait. A plusieurs reprises il interpella le maréchal Gérard et le général Tirlet, invoquant leur témoignage sur l’exactitude de ses dires.

Il entra à Metz le lendemain, accueilli par une population immense et par des troupes superbes.

La première journée de son séjour fut consacrée à des manœuvres du génie : attaque et défense d’une place, construction, reploiement et défense d’un pont. Le lendemain, le roi passa en revue dans l’île Chambière toutes les troupes et toutes les gardes nationales du département.

Depuis longtemps on avait annoncé cette grande solennité militaire, et il était venu de Belgique, des provinces Rhénanes, du pays de Bade, une foule de curieux qu’on évaluait à plusieurs milliers. On signalait également dans les hôtels de Metz des officiers prussiens et autrichiens accourus pour se rendre compte de la puissance de notre armée : ils se mêlaient aux badauds pour observer et entendre.

L’armée comptait une vingtaine de mille hommes et la garde nationale plus de trente mille ; il y avait cinq régimens de cavalerie et plus de cent pièces d’artillerie admirablement attelées. Toutes ces troupes étaient sous les ordres directs du général