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consignes et les casernemens. J’assistai donc à la visite que fit le prince royal à la seconde ville de France.

L’enthousiasme fut très grand : il se traduisit d’abord par une foule de banquets en l’honneur du fils du roi et par la publication de nombreuses chansons, dont l’une, exaltant les vertus du jeune prince, était intitulée le Premier canonnier de France.

Lyon comptait, comme je l’ai dit, un grand nombre d’officiers et de soldats de l’Empire ; ils s’étaient enrôlés dans la garde nationale et avaient constitué des bataillons manœuvrant avec précision. Pour paraître encore plus belle sous les armes, la garde nationale de Lyon avait adopté les habits bleus de la garde impériale, à larges revers blancs sur la poitrine.

Depuis l’arrivée du Duc d’Orléans, la ville de Lyon s’était transformée en un véritable atelier de tailleur. Partout on faisait des habits de gardes nationaux. Tous les ouvriers devaient veiller sans désemparer pour arriver à confectionner l’habillement de plus de vingt mille hommes. Car tous voulaient paraître avec leurs atours à la grande revue qui allait être passée.

Le Duc d’Orléans, charmant jeune homme imberbe, avec ses jolis cheveux formant frisons de chaque côté des tempes, ressemblait alors à une femme ; il portait l’uniforme et les épaulettes de laine rouge d’artilleur de la garde nationale. Cet uniforme, très populaire chez les bourgeois, produisit sur la population lyonnaise le meilleur effet, et il fut pour beaucoup dans l’accueil sympathique fait au Duc d’Orléans.

Dès son arrivée, le prince reçut les députations et les autorités ; il visita les hôpitaux et les établissemens divers. Puis il passa en revue trente mille gardes nationaux. Pour la revue, le prince avait quitté son uniforme de soldat-citoyen et revêtu celui de colonel du régiment de hussards dont il était commandant. Le haut shako rouge à aigrette blanche, le spencer et la pelisse à tresses d’argent, serrant sa taille svelte et souple, lui seyaient à ravir.

Après avoir passé devant les lignes de la garde nationale, le prince, accompagné de Marbot et du général Bachelu, monta sur une estrade dressée à cet effet pour remettre à la députation de chaque légion son drapeau. Au moment où cette cérémonie allait commencer, un voltigeur de la garde nationale fend la foule, s’avance, un papier à la main, (jusque devant le prince et se met à lui lire son élucubration.