Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

payer des droits de transit. Le gouverneur du Cameroun, M. de Puttkamer, malgré des menaces d’arrestation, fit une enquête, prouva les torts de la compagnie et de plus montra qu’elle n’avait pied au Noupé qu’en simple trafiquant. Elle dut indemniser les héritiers Hönigsberg. Rappelons enfin les innombrables plaintes des chambres de commerce de Liverpool, de Manchester, et de bien d’autres unions de commerçans anglais. Il ne s’agit plus ici en effet d’un intérêt anglais, mais d’un monopole accaparé par quelques puissans capitalistes anglais. Des agens de la compagnie ont voulu la mort de Flegel et de Mizon ; mais nos officiers n’ont eu qu’à se louer des officiers anglais de Lagos, de leurs procédés humains et polis. Que l’Angleterre mette fin à ce syndicat de capitalistes, à ces violations de traités européens qu’il commet sous son nom, elle ne fera pas une concession à un adversaire étranger, mais affranchira ses propres citoyens d’un despotisme digne des roitelets d’Afrique.

Cet obstacle tombé, le commerce vivifiera ces régions si intéressantes, où ne circulent aujourd’hui que des cotonnades et surtout, la chose est prouvée, le gin de la compagnie.


V

Reste enfin la question des territoires compris entre le Dahomey, le Niger et Say. C’est à la résoudre qu’une commission de délimitation travaille à Paris depuis plusieurs mois.

L’annexion du Dahomey en 1894 modifia notre situation. Les Anglais de Lagos, M. Carter surtout, étendaient leur suzeraineté sur les Egbas, les Jebus, les Yorubas, les Ibadans, les Horins ; avec beaucoup de tact, M. Carter ouvrit au commerce des villes jusque-là fermées aux blancs, prévint des guerres sanglantes, fit cesser les sacrifices humains, et gagna vraiment à la civilisation ces pays riches, où des villes comptent 50 000 à 100 000 habitans. Nous pouvons regretter ces pays, mais l’Angleterre avait tout droit d’y agir[1].

Au contraire, passé le 9e parallèle vers le nord, nous étions libres. M. Ballot, gouverneur du Dahomey, en profita. Dès 1894, M. De-cœur traite à Nikki, capitale du Borgou, le 26 novembre : M. Lugard y avait négocié trente-deux jours auparavant avec le chef

  1. Des témoignages anglais récens semblent toutefois prouver que là encore nous nous sommes trompés sur l’étendue de l’influence britannique.