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1 500 mètres, couvert de belles savanes, abondant en bétail, peuplé d’hommes nombreux, intelligens, actifs et vaillans. L’Allemagne avait aussi voulu l’atteindre ; aucune de ses missions ne réussit comme celle de M. Mizon. Elle convoitait aussi le cours de la Bénoué : Flegel et Slaudinger avaient voulu la lui donner, au péril de leur vie, puisque les Anglais avaient cherché à perdre leur bateau sur les roches de Lokodja. Pressée par l’Angleterre, l’Allemagne eut encore la faiblesse de signer. Par le traité du 18 novembre 1893, elle renonçait à toute la Bénoué moyenne et inférieure, à Yola ; mais l’Angleterre lui reconnaissait le cours supérieur, l’accès au Tchad, et tout le bassin du Chari, en excluant de sa sphère d’intérêt Darfour, Kordofan et Bahr el Ghazal. Grand émoi en France : on perdait le Tchad ! L’opinion prend feu, excite les Affaires étrangères : on signe, le 4 juin 1894, un traité aussi néfaste que celui de 1890. Pour obtenir que l’Allemagne renonçât à tout le Chari et nous permît d’arriver au Tchad, nous lui reconnaissions tout l’Adamaoua ! Elle nous donnait accès à un misérable affluent de la Bénoué, que tous les explorateurs ont reconnu innavigable, et nous cédions en échange trente kilomètres du cours de la Sangha, cet immense affluent du Congo, jusque-là uniquement français, par où une expédition allemande vient récemment de redescendre. L’Allemagne avait donc à sa disposition la Bénoué au point où elle est encore navigable, la Sangha, c’est-à-dire la porte du bassin du Congo, et le Chari qui semble navigable sur une grande longueur. Par ce double traité, elle avait acquis d’admirables avantages au prix d’une renonciation facile à des territoires malsains, peu peuplés, et dévastés par une foule de fléaux.

A moins que de nouvelles combinaisons diplomatiques ne nous permettent un jour de revenir sur ces faits déplorables, nous devons regarder l’Adamaoua oriental comme perdu. Mais, puisque l’Allemagne elle-même a renoncé à Yola, au Mouri, la question pour ces pays reste entière, elle est à régler avec l’Angleterre. C’est ici que nous touchons aux dernières difficultés. La question est triple : le Mouri et Yola ; la navigation du Niger ; le pays de la rive droite du fleuve.

Ce qu’il faut penser du premier point, nous l’avons vu : un traité a été signé par nous avec l’émir de l’Adamaoua, résidant à Yola. Les Anglais n’ont pu nous imiter. Ils prétendaient jadis que l’émir dépendait du Sokoto ; le fait est reconnu faux. La compagnie